Économie

A la foire de Nouakchott, les Mauritaniens sont conquis par les produits algériens

A l’intérieur du grand chapiteau où sont alignés les stands de pas moins de 170 entreprises algériennes (un record jamais égalé !) qui prennent part à la 4e édition de la foire de la production algérienne à Nouakchott dont la levée de rideau est prévue pour lundi 29 octobre, une chaleur insupportable y règne.

Plus étouffante même que celle qui sévit à l’extérieur où le mercure flirtait avec 45 degrés, en ce mardi 23 octobre. Et les climatiseurs qui laissent échapper quelques vagues de fraîcheur n’y pouvaient rien contre la moiteur qui submerge les lieux. Mais les Mauritaniens n’en avaient cure. Ils bravent stoïquement ces caprices, de dame nature. Par habitude, certainement.

Une foule des grands jours

Mais pas seulement. L’enthousiasme de retrouver leurs « frères algériens » est pour quelque chose aussi. « Les Algériens ce sont nos frères, on les aime bien». C’est l’antienne qui sort de la bouche de tous les mauritaniens questionnés sur leur perception de la relation avec leurs voisins de l’ouest.

Avec cette retenue propre aux peuples du désert, ils expriment ce sentiment spontanément et sans grand fard. A l’inauguration déjà de cette grande manifestation économique, une marée humaine a pris d’assaut les lieux rendant l’accès presque impossible au ministre algérien du Commerce Said Djellab et à ses trois homologues mauritaniens d’accéder au grand chapiteau pour inaugurer la manifestation.

Il a fallu un grand cordon sécuritaire, pour tenir en respect la grande foule. Même topo le lendemain matin où un grand nombre de Nouakchottois de tous les âges et des deux sexes attendent l’ouverture des portes pour ensuite prendre d’assaut les différents stands.

Parfois, les travers du salon sont à tel point encombrés qu’il fallait jouer des épaules pour se frayer un chemin. Les femmes, emmitouflées dans leurs Melahfa, semblent les plus nombreuses. Elles déambulent à leur guise et sans complexe aucun en allant d’un stand un autre tâter les produits exposés et s’enquérir des prix surtout.

Les hommes, aussi, enrobés dans des babous, bleus ou blancs, ne sont pas en reste. On y achète de tout et souvent on repart avec des cartons pleins de victuailles.

Les produits algériens appréciés…les Algériens plus encore

Que pensent les Mauritaniens des produits algériens ? « Parfait », lâche Cheikh Omar Sissouko avant d’enchaîner : « Ils sont bons, jusqu’à preuve du contraire. Mais, j’avoue qu’à part les dattes que j’adore, je ne connais pas grand-chose des produits algériens. Les produits algériens de l’électroménager sont présents ici et, dit-on, les Algériens pratiquent de bons prix ».

Et Mohamed Vall, venu avec sa femme s’enquérir des prix de certains produits de l’électroménager, de lui faire écho : « le produit algérien est bon. C’est la première fois que je le découvre mais d’après des échos, les mauritaniens sont satisfaits de sa qualité. Nous sommes très contents de la coopération entre les deux pays frères ».

« Les produits sont bons et variés mais les prix sont un peu chers. C’est à cause des taxes douanières. Les produits asiatiques sont un peu moins chers mais la qualité laisse à désirer», nuance un autre mauritanien.

Un exposant algérien raconte une discussion avec des Mauritaniens qui lui font le reproche très amical : « mais où étiez-vous avant ? Vous êtes venus un peu en retard. Mais on vous aiment beaucoup ici ».

Certes, les Mauritaniens apprécient beaucoup les Algériens mais ils voient d’abord leurs intérêts, c’est-à-dire des produits pas du tout cher et à la portée de leur maigre bourse, en fermant parfois l’œil sur la qualité. «Ce qui intéressent les Mauritaniens ce sont les produits agroalimentaires et électroménagers. Ils pensent pouvoir trouver quelque chose de qualité et surtout de moins cher. Car les autres produits sont onéreux. Notre pouvoir d’achat est faible. C’est pourquoi on se rue sur les produits asiatiques, chinois notamment, très bons marché même si la qualité ne suit pas toujours », explique un mauritanien. La balle est donc dans le camp des entreprises algériennes qui, avec l’ouverture d’un poste frontalier et la perspective de la signature d’un accord commercial préférentiel entre les deux pays, elles auront tous les atouts de leur coté pour damer le pion aux autres concurrents.

Les entreprises algériennes en quête d’opportunités

Entre autres les relations historiques entre les deux pays et la grande sympathie que vouent les Mauritaniens, à tout ce qui est algérien. D’où d’ailleurs, l’engouement du client mauritanien pour le produit algérien qui n’est pas fait pour déplaire aux exposants algériens. Comme pour leur rendre la pareille, une bonne partie des entreprises se disent être en terre mauritanienne en quête d’une bonne opportunité d’affaire, voire d’un partenaire local, pour y écouler leurs produits.

« Les Mauritaniens sont intéressés par les pompes à eau, le matériel agricole et de mécanique. On est en prospection et à l’écoute de leurs besoins », explique Nassima Zouaghi, directrice exportation du groupe publique des industries mécaniques AGM qui, fort d’une vingtaine de filiales (BCR, Poval, EMO, Ecorep, etc), a exposé des machines agricoles, des machines outils de mesure, du matériel didactique, outils de découpe, etc).

Un problème, toutefois : les Mauritaniens préfèrent payer cash, ce qui n’arrange pas les entreprises qui travaillent par chèque. Et de l’avis de Mme Zouaghi, les banques algériennes « doivent suivre », c’est-à-dire s’implanter elles aussi en Mauritanie pour faciliter la vie aux entreprises.

Ceci dit, elle trouve le marché mauritanien «preneur et demandeur », estime-t-elle. Un avis que partage Mohamed Najib Bencherif, responsable commercial de l’entreprise algérienne Géomembrane Mechri Sarl, sise à Bordj Bouarreridj et fabrique des géomembranes en PEHD utilisées pour l’étanchéité des ouvrages hydrauliques. « C’est un marché vierge à exploiter », dit-t-il. C’est la première participation de son entreprise à Nouakchott mais qui a déjà exporter vers la Tunisie en 2017 et, en 2018, vers le Sénégal et le Burkina Faso. D’autres pays africains sont dans le viseur de cette entreprise : la Mali, le Niger, le Ghana et le Rwanda.

Concernant la Mauritanie, la Sarl Mechri a décelé « un besoin dans les travaux publics », assure M.Bencherif et compte « exporter directement » son produit sans passer par un partenaire local. Ce qui n’est pas le cas de l’entreprise de fabrication de pâtes alimentaires, Gerbior, qui, selon son chargé d’export Brahim Khababa, est à la recherche d’un partenaire mauritanien pour exporter ses produits.

« Les Mauritaniens sont très intéressés par le produit algérien qui, pour eux, est synonyme de qualité, le trouvant mieux que ceux des autres pays », affirme-t-il. Et d’émettre le vœu de voir les deux pays voisin signer un accord bilatéral qui donnera « un avantage », voire « un pas en avance » pour les entreprises algériennes sur ces concurrents. « Si cet accord est signé, le marché mauritanien sera prometteur », estime M.Khababa.

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