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Bac : pourquoi les filles dominent les garçons

Bac : pourquoi les filles dominent les garçons

Le taux de réussite au bac 2018 est de 55,88%, un pourcentage très proche de celui de l’année passée qui a été de 56,07%, soit un léger recul de 0,2 points par rapport à 2017. L’écart entre le taux de réussite des filles et celui des garçons est énorme cette année. Les filles ont été 65,29% à obtenir leur bac contre seulement 34,71% pour les garçons, soit un écart de de plus de 30%.

Cet écart entre filles et garçons au bac est habituel depuis de nombreuses années mais ne cesse d’augmenter. L’année passée, les filles représentaient 65,03% de l’ensemble des bacheliers, soit 0,26% de moins que cette année.

Ahmed Tessa, pédagogue et conseiller au ministère de l’Éducation nationale analyse ces résultats.

Comment vous expliquez cet écart important entre le taux de réussite au bac des filles et celui des garçons ?

On peut les expliquer par deux facteurs : l’un d’ordre culturel et l’autre d’ordre purement pédagogique.

D’abord, les filles algériennes sont astreintes à une  »obligation de résultats » pas seulement aux examens : pour s’affirmer en tant qu’être humain égale de l’homme dans une société patriarcale, ayant des préjugés négatifs sur la femme. Elles ont en tête, consciemment ou inconsciemment, l’image de leurs mamans ou grands-mères exclues de l’espace public (instruction, travail…). Elles donnent la preuve que le pays ne peut avancer scientifiquement, économiquement et culturellement sans une égalité parfaite en droits et devoirs entre les deux composantes de notre société. Les filles, avec leurs belles réussites, participent à un défi civilisationnel auquel est confronté l’Algérie.

Ensuite, il y a un contexte pédagogique favorable à cette belle réussite. Les filles passent leur temps libre à réviser, à se préparer aux échéances. Alors que les garçons (sans systématiser bien sûr) sont distraits, occupés à d’autres tâches (jouer au foot, s’amuser….). Or la logique scolaire et celle des examens est encore basée sur le parcoeurisme, le bachotage. Ce sont deux pratiques qui avantagent les  »bosseurs » qui vont aux limites du surmenage pour mémoriser et bien restituer le jour des épreuves.

Si on avait inversé cette logique en se basant sur des épreuves qui sollicitent les fonctions intellectuelles supérieures (compréhension, analyse, synthèse, esprit critique, créativité), les taux seraient équivalent – plus ou moins entre les garçons et les filles.

Surtout, de grâce, ne faisons pas dire à ces résultats actuels la monstruosité qui consiste à dire que celui qui a réussi est plus intelligent que celui a échoué ou que les filles sont plus intelligentes que les garçons.

Et de façon plus générale, comment évaluez-vous les résultats du bac de cette année ?

Rien à dire si ce n’est qu’il faut revoir de fond en comble les modalités de passage au collège, au lycée et à l’université. Surtout cette dernière qui doit impérativement revoir son fonctionnement et son organisation. Elle doit recruter sur concours selon des modalités appropriées ses futurs étudiants ; le bac ou un certificat de fin d’études secondaires servira de condition d’admissibilité et non d’admission, celle-ci relevant des prérogatives de l’Université. Ainsi elle imposera ses prérequis puisqu’il est dit dans le décret impérial de création (Napoléon en 1806 et algérien de 1963) que le bac est le premier grade universitaire. Et par ailleurs, en urgence, revaloriser l’enseignement professionnel dispensé dans les Instituts supérieurs en donnant la possibilité à ses élèves de postuler à des filières d’ingéniorat.

C’est ce qui se passe partout dans les pays fortement développés (excepté la France, pour des raisons idéologiques et culturelles). Il faut un peu de prospective : demain les universités privées (algériennes et étrangères) s’installeront. Pensez-vous qu’elles vont se contenter du seul diplôme du bac pour recruter leurs étudiants ?

Actuellement à quoi sert le bac avec une moyenne inférieure à 15/20 ? Des lauréats ont fait la fête à juste titre le jour de l’annonce des résultats. Ils ont vite déchanté le lendemain quand ils ont vu les conditions d’accès à certaines filières.

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