Économie

Biskra : première transformation de betterave à sucre

Dans les locaux de l’usine Aminata de Biskra, un employé en blouse blanche verse un cageot de betteraves découpées en morceaux au-dessus du tapis convoyeur menant à une cuve de diffusion.

À ses pieds, un tas de betteraves. Après la production de sucre de dattes à 500 dollars le baril, l’usine se lance dans la production de sucre de betterave. Un produit dont, selon les Douanes algériennes, les importations ont atteint 180 millions de dollars au premier trimestre 2020.

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Un essai de transformation de betterave à sucre

Il s’agit d’une première en Algérie. L’essai porte sur un lot de petite taille et le procédé de transformation reste artisanal. Ainsi, la découpe des grosses racines est manuelle de même que l’approvisionnement des cuves d’extraction du sucre. Le jus sucré produit est stocké dans des cuves de faibles dimensions. La modestie des installations fait plus penser à une râperie de betterave qu’à une raffinerie. Mais ce pilote de démonstration a le mérite d’exister.

Abdelmadjid Khabazi, le directeur de l’usine, est fier de se lancer dans la transformation de la betterave à sucre. Depuis 2017, cet investisseur produit du sucre à partir d’une matière première largement disponible à Biskra : les dattes.

Des rendements de 80 à 120 tonnes par hectare

Disposant de betteraves produites au niveau de la station régionale de l’Institut technique de développement de l’agronomie saharienne (ITDAS), il se dit confiant dans la possibilité de cultiver de la betterave à sucre dans la région.

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« Nous lançons un appel aux agriculteurs, ils peuvent planter de la betterave en toute confiance. Nous les assurons de la disponibilité en engrais et en semences. Nous achèterons leur production. L’agriculteur peut être rassuré. Il plante et il a un débouché », confie-t-il à Ennahar TV. Il insiste également sur la collaboration avec l’ITDAS qui assurera la vulgarisation auprès des agriculteurs.

Muni d’un réfractomètre, le directeur mesure le taux de sucre d’une betterave fraîchement coupée. L’appareil affiche 20 % contre 17 % en moyenne pour les betteraves européennes.

Un plan de relance de la culture de la betterave

Présent à ses côtés, Fouad Ben Djeddou, le directeur de l’ITDAS confirme : « Cette opération s’inscrit dans le plan du gouvernement qui vise à réduire la facture des importations pour une matière stratégique qui est le sucre. L’année dernière des résultats très intéressants ont été obtenus ; 80 à 120 tonnes par hectare dans nos essais »

La feuille de route du ministère de l’Agriculture et du Développement rural prévoit la plantation de 150 000 hectares de betteraves avec comme objectif de réduire de 30 % les quantités de sucre importées.

Betterave, assurer la logistique à la récolte

Les résultats obtenus à Biskra se situent au niveau des rendements moyens européens. Il s’agit cependant d’essais réalisés sur des sols vierges. Des sols indemnes des parasites accompagnant habituellement ce type de culture.

En matière de betterave, tout se joue dans la logistique, note Zoubir Fadel : « Dans le passé en tant qu’ingénieur agronome au niveau de la wilaya de Guelma, nous avons assuré le suivi de campagne betteravière. C’est au moment de la récolte et réception de la production de betteraves que les problèmes surgissent. Il faut une logistique importante... »

Avec la flotte de camions actuellement disponible sur le territoire national, on peut espérer ne plus revoir les problèmes de transport des années 1970.

Un challenge, la mécanisation du process industriel

Le directeur ouvre le robinet à la base d’une cuve et remplit un récipient. Il s’agit de  « jus de diffusion » obtenu à partir des cossettes de betterave qui ont été trempées dans l’eau. Reste à épurer ce jus en utilisant de la chaux afin de le débarrasser des impuretés. Une fois filtré, ce jus comprend 85 % d’eau, il s’agit donc de le chauffer pour obtenir par évaporation un sirop. Après malaxage et centrifugation sous vide partiel, c’est ce sirop qui donnera du sucre par cristallisation.

Pour l’instant, à Biskra, c’est la production d’un simple jus de diffusion qui est présentée. Dans une première phase, sa concentration sous forme de sirop peut permettre son emploi dans l’industrie agro-alimentaire.

Reste à résoudre l’absence à Biskra de mécanisation des opérations de lavage et de découpe des betteraves en cossettes à l’aide de coupe-racines.

Production de sucre, un projet ambitieux

À plus d’un titre, le projet de production de sucre de betterave est ambitieux. Il intervient dans un contexte de substitution des importations. La transformation de la betterave est à l’origine de sous-produits : pulpe et mélasse ; d’excellents aliments du bétail.

Il s’agit d’un projet « endogène », c’est à dire émanant d’un territoire où agriculteurs et transformateurs peuvent se rassembler autour d’un projet. Le directeur de l’entreprise Imanata de Biskra se propose d’acheter la production locale.

Feu Sid-Ahmed Ferroukhi, ancien ministre de l’Agriculture et du Développement rural, décédé vendredi à Alger à l’âge de 55 ans, disait que c’est ce type de projet à caractère endogène qui a le plus de chance de réussir.

Dans les années 1970,  il existait une production locale de betterave à sucre en Algérie. Au niveau des fermes d’État à Khemis Miliana, le plan de culture était imposé par les services agricoles de wilaya. L’objectif était d’assurer l’approvisionnement de la raffinerie locale de sucre.

Si certaines exploitations arrivaient à de bons résultats, l’absence de semences monogermes et de désherbants efficaces se traduisait par le recours au travail manuel. À cela, s’ajoutaient le manque d’eau lié à la concurrence exercée par la culture de la pastèque. À la récolte, la chaleur et le manque de camions entraînaient une baisse du taux de sucre et donc des pénalités financières. Aussi, la culture de la betterave était peu appréciée.

Actuellement, à part le sucre de dattes, l’Algérie ne cultive ni betterave à sucre ni canne à sucre, ce qui n’est pas le cas de pays comme le Maroc ou l’Égypte. Ces dernières années, dans ce pays, la production annuelle de sucre de betterave et de canne à sucre est en moyenne de 2,5 millions de tonnes. En Algérie, la production de sucre est essentiellement issue du raffinage de sucre roux importé.

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