Économie

Blocages des investissements en Algérie : des faits et des chiffres

En décembre 2021, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune décrétait que « le blocage de l’économie est un crime ».

Une année et demie après, des porteurs de projets créateurs de richesse et d’emplois se plaignent encore de la persistance des entraves bureaucratiques qui les empêchent de concrétiser leurs investissements.

La question a de nouveau été évoquée au plus haut niveau lors d’une audience accordée par le chef de l’État au président de l’une des plus importantes organisations patronales du pays.

Abdelmadjid Tebboune a reçu, mardi 16 mai, le président du CREA, le Conseil pour le renouveau économique algérien, Kamel Moula. Celui-ci devait lui présenter un plan détaillé portant sur la sécurité alimentaire et la production de céréales, mais il en a profité pour transmettre au président les doléances des investisseurs, dont la « persistance de certains blocages administratifs ».

Il est incompréhensible que de tels blocages persistent après toutes les mesures prises et les orientations données, de surcroît dans un pays qui a un fort taux de chômage et dont l’économie est très vulnérable aux fluctuations des cours des hydrocarbures.

Aujourd’hui, partout en Algérie, le chômage reste une préoccupation majeure des jeunes, en raison de la faiblesse de l’offre d’emplois pérennes.

Depuis son élection fin 2019, Abdelmadjid Tebboune a beaucoup insisté sur la levée des entraves devant l’investissement productif.

Sous le régime de l’ancien président de la République, Abdelaziz Bouteflika, de grands projets structurels n’ont pu voir le jour, car leurs porteurs n’ont pas pu obtenir les autorisations nécessaires.

À cette situation, est venue se greffer une tétanisation de la décision publique après les grands procès anti-corruption intentés à de nombreux anciens responsables politiques et administratifs, après la chute de Bouteflika en avril 2019.

Le président de la République a, dans ses différents discours, notamment devant les walis, ciblé trois comportements qui, globalement, constituaient le gros des entraves à l’investissement en Algérie : le refus de signer quoi que ce soit par peur de poursuites judiciaires, le chantage aux opérateurs pour les contraindre à verser des pots-de-vin ou carrément le sabotage de l’économie pour des objectifs politiques obscurs.

Abdelmadjid Tebboune a brandi la fermeté de la loi face à ces comportements répréhensibles et a donné des garanties d’une clarté extrême aux agents de l’État qui ne débloquent pas les décisions par simple précaution pour éviter le sort de leurs collègues poursuivis et emprisonnés. Dans le même temps, des lois ont été revues, dont celle relative à l’investissement promulgué en juillet 2022.

Déblocage des investissements en Algérie : un bilan mitigé

On ne peut pas dire que cette offensive n’a pas eu de résultats, mais son effet semble très limité, comme le démontrent ces retours à la charge répétitifs des opérateurs économiques, mais aussi les chiffres officiels relatifs à l’investissement et à l’économie d’une manière plus globale en Algérie.

En plus des doléances exprimées par les organisations patronales, des opérateurs ont eu recours aux médias pour crier au blocage de leurs investissements.

Tout récemment, le gérant de l’entreprise qui produit la marque de jus Tazej a défrayé la chronique en dénonçant dans la presse le blocage de son investissement agricole dans les wilayas de M’Sila et de Djelfa.

À Chlef, un opérateur qui a investi dans l’aviculture s’est vu refuser l’autorisation pour la réalisation d’une usine de transformation de sa production sur une parcelle de quelques milliers de mètres carrés, car classée comme terrain agricole.

Côté chiffres, les exposés qui étaient faits à chaque réunion du Conseil des ministres font état de 915 projets débloqués avec un cumul de 52.000 emplois créés en fin janvier dernier, soit plus d’une année après le coup de gueule mémorable lancé par le président à l’occasion des assises nationales sur l’industrie (4 décembre 2021).

Le chiffre va sans doute évoluer et peut paraître non négligeable, mais dans le contexte économique et social algérien, il ne fait pas bouger d’un point de pourcentage le taux de chômage.

En 2022, le nombre de demandeurs d’emploi en Algérie était de plus 4 millions, selon les chiffres de la Banque mondiale rendus publics en septembre 2022, sur la base des données de l’Agence nationale de l’emploi (ANEM).

En avril dernier, la Banque d’Algérie a fait état d’une croissance « modérée » du financement de l’économie par les banques algériennes (3,27% à fin décembre 2022), prévoyant un taux encore plus faible de la croissance des crédits à l’économie d’ici 2024 (+0,64%).

Il appartient maintenant aux autorités de faire une évaluation sereine de l’opération et de déterminer avec exactitude ce qui a fait que l’orientation de tout un État peine à être suivie par ses propres agents. L’Algérie a un déficit de développement et des besoins sans cesse grandissants. Elle ne peut plus se permettre un tel gâchis.

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