Économie

Ce que révèle le recours de l’Algérie à l’importation du maïs

L’Algérie a lancé via l’Office national des aliments du bétail (Onab) a lancé un appel d’offres international pour l’importation d’environ 140.000 tonnes de maïs. Le maïs devrait provenir de différentes origines : Argentine ou Brésil selon des négociants européens, rapporte l’agence Reuters.

Importations de maïs et de soja : une lourde facture

En février 2021, lors d’un passage à la Radio algérienne, le directeur général de l’Onab, Mohamed Betraoui avait fait part d’importations annuelles de 4 millions de tonnes de maïs et de 1,25 million de tonnes de soja pour une valeur de 1,2 milliard de dollars.

L’Onab encourage la culture du maïs avec notamment 8.900 hectares à Adrar, Ménéa, Ghardaïa, El Oued, Biskra, Naâma et Djelfa. L’objectif est de produire entre 30.000 et 35. 000 tonnes de maïs par an.

A l’origine, les importations algériennes de maïs et de soja étaient destinées à l’élevage avicole et à la production de viande blanche particulièrement prisée par les ménages algériens à faible revenu. Progressivement, l’utilisation du maïs et du soja s’est étendu à l’engraissement des veaux et des agneaux ce qui a amplifié les importations.

Pourtant les caractéristiques de l’appareil digestif de ces ruminants leur permettent d’utiliser une gamme variée de fourrages grossiers produits localement. Ce qui n’est pas le cas des volailles qu’on ne peut alimenter qu’avec maïs, tourteau de soja, triticale et partiellement en orge ou en son de blé dans le cas des dindes.

Ces importations de tourteau de soja devraient cependant décroître avec le développement des usines de trituration de graines de soja en Algérie : AGC-SIM, Cevital et Madar. Selon le ministère de l’Industrie, la trituration de graines de soja importé pourrait couvrir en 2024 près de 63% des besoins en tourteaux soit une réduction des importations de l’ordre de 352 millions de dollars.

Production locale de maïs grain

Les quelques dizaines de milliers de tonnes de maïs grain produites localement représentent une faible partie des 4 millions de tonnes de maïs importées. C’est dire le poids de la dépendance de l’Algérie aux importations de ce produit.

Cette production de maïs est principalement située au sud et est concurrencée par la production de maïs ensilage. En 2021, dans la seule wilaya de Menéa, la production de maïs fourrage était estimée à 150.000 tonnes contre seulement 13.000 tonnes en grain.

Cette production de maïs fourrage s’est développée avec l’apparition de stations à poste fixe de conservation du maïs fourrage ensilé sous forme de balles rondes enrubannées. Une technique qui s’est rapidement développée et qui répond à la demande des éleveurs de vaches laitières, d’engraissement de veaux ou d’agneaux.

Ces dernières années, les producteurs de maïs grain ont demandé le relèvement du prix d’achat du maïs grain par l’Onab. Dès 2018, le président du conseil interprofessionnel de la filière des céréales de la wilaya d’Adrar, Abdallah Oum El-Gheith, avait demandé à ce que le prix du quintal de maïs grain soit porté à 5.000 DA contre 4.500 à l’époque. Une revendication finalement entendue par les pouvoirs publics.

Les coûts de production du maïs en Algérie sont particulièrement élevés dans la mesure où, contrairement à la culture de blé, celle du maïs se déroule en été et nécessite donc avec un arrosage permanent.

A cela s’ajoute le coût des engrais, dont l’urée particulièrement peu retenue par les sols sahariens ce qui implique une majoration des doses utilisées. La société française Timac-Agro revendique le suivi de plus de 2.000 hectares de maïs avec un programme spécifique d’utilisation et de bio-stimulants.

Les investisseurs implantés dans le sud de l’Algérie arrivent cependant à dégager des marges financières intéressantes en combinant, sous les mêmes rampes-pivot une première culture de céréales et ensuite, immédiatement après la récolte, la culture de maïs.

La production de maïs implique des coûts de séchage et de logistique considérables pour amener les récoltes vers le centre Onab de Bougtob dans la wilaya d’El Bayadh.

Les récoltes sont souvent entreposées temporairement à même le sol sur de simples bâches en bordure de parcelles. Que ce soit pour le blé ou le maïs, la production connaît un développement progressif des moyens de pesée et de stockage.

Mais les points noirs subsistent comme au sud de Khenchela, dans la commune de Babar, des investisseurs déploraient ces jours-ci la persistance d’installations rudimentaires de stockage pour le blé malgré la survenue de pluies. « En cas d’orage violent, les dégâts » auraient pu être grave témoigne Rabia Oucif en filmant les dépôts de blé entre deux rangées de sacs, le tout recouvert de bâches.

Des alternatives partielles aux importations

La forte dépendance de la filière volaille au maïs et au tourteau de soja a amené les chercheurs de l’Institut Technique de l’Elevage (Itelv) et de l’Ecole Nationale Supérieure d’Agronomie (Ensa) à rechercher des alternatives à ces produits.

Il est vite apparu qu’il était possible d’intégrer un minimum de 20 à 25% d’orge dans la ration des poulets de chair ou poules pondeuses sans détérioration des performances.

Pour sa part, avec une forte richesse en lysine, tryptophane et thréonine, l’organisme de recherche français Arvalis-Institut du végétal soulignait dès 2004 dans un article « Les atouts du triticale en alimentation animale ».

Le triticale, une céréale cultivable en Algérie sans recourir, comme pour le maïs, à l’irrigation. Quant au soja, très gourmand en eau, il peut être avantageusement remplacé par le lupin. Mais, la plante ne pousse pas en sol calcaire, un type de sols majoritairement présent en Algérie.

Afin de remplacer le maïs chez les vaches et veaux, des ingénieurs de l’Office National du Lait (Onil) et de l’Itelv ont testé l’adjonction sur la paille de mélasse issue des usines de raffinage de sucre roux brésilien.

En 2017, malgré son intérêt, 22.000 tonnes de mélasse ont été exportées par l’Algérie. Afin de réduire les besoins en tourteaux de soja dans les rations des animaux à l’engraissement et des vaches laitières, les chercheurs de l’Ensa et de l’Itelv ont testé avec succès l’adjonction d’un complément azoté fabriqué par Asmidal, l’urée.

Un correcteur azoté mélangé à l’orge ou dissous dans de l’eau et versé sur la paille. Il s’agit là de techniques simples et peu coûteuses mais encore peu vulgarisées.

Maïs doux, et Foodtech en Algérie

Ces dernières années les importations algériennes de maïs et de tourteaux de soja n’ont cessé de croître. Aussi le ministre de l’économie de la connaissance et des Start-up, Yacine Eloualid milite pour le développement de la Foodtech, c’est à dire l’utilisation de procédés agro-alimentaires nouveaux.

Un secteur pratiquement inconnu en Algérie et en plein essor à l’étranger. Aujourd’hui la multinationale Roquette spécialisée dans la production d’extraits de protéines de pois offre de quoi produire des substituts végétaux de viande de poulet : nuggets et aiguillettes.

L’extrusion du tourteau de soja permet l’obtention de soja texturé entrant dans la confection de steaks hachés, burgers, kebbab, merguez ou plats cuisinés.

Quant au maïs, les variétés de maïs doux peuvent être cultivées et être utilisées directement en alimentation humaine sans passer par les animaux d’élevage.

Les importations croissantes de maïs et de soja sont révélatrices d’un manque de stratégie. La couverture des besoins en protéines des consommateurs reposent actuellement uniquement sur les protéines animales produites à partir d’aliments du bétail importés sans envisager l’intégration d’une plus grande proportion de protéines végétales. Des protéines dont une partie peut être produite localement.

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