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Comment rendre Alger agréable et conviviale pour ses habitants ?

Comment rendre Alger agréable et conviviale pour ses habitants ?

Un mobilier urbain moderne, un éclairage astucieux, des parkings à la périphérie, il faut repenser Alger afin de la rendre plus agréable à vivre et plus conviviale pour ses habitants.

En marge de la première Biennale algéro-française  du design (27 mai – 27 juin), une réflexion dans ce sens a été engagée par des designers et architectes algériens.

De nombreux concepteurs et créateurs ont répondu présents à ce projet dont le slogan est « Réinventer la ville par le design ».

| Lire aussi : Alger, une ville infernale pour les piétons

Comment le design peut-il changer la ville ? Comment améliorer la qualité de vie des habitants à travers le design ? Comment rendre les espaces publics plus agréables, plus fonctionnels, plus humains ? Et comment ces designers voient-ils la capitale ? Nous leur avons posé la question.

Les « Champs Élysées algérois », pâle vitrine de la capitale

Rencontrée aux Ateliers sauvages (rue Didouche Mourad), Amina Lacheheb, architecte-designer a présenté une maquette de requalification d’une voie ferrée désuète à Oran. Installée depuis plus d’un an à Alger, elle porte un regard sans complaisance sur la capitale.

« Je fais souvent de longues marches en débutant mon parcours du haut de la rue Didouche Mourad jusqu’à l’esplanade de Bab- El- Oued et même au-delà, vers Rais Hamidou. Didouche Mourad, vitrine de la capitale que certains qualifient de « Champs Élysées algérois » est décevante : trottoirs défoncés,  façades défraîchies, balcons fragiles, problème d’étanchéité, manque d’éclairage », relate-t-elle…

Si la rue Didouche offre un visage hideux de la capitale, les rues adjacentes à cette grande artère de la capitale sont dans un piteux état. « Si l’on exclut les artères principales qui ont connu une réhabilitation des façades, les ruelles adjacentes sont complètement délaissées », regrette Amina Lacheheb.

L’architecte note qu’à Alger centre, il « n’y a pas de rues piétonnes afin de permettre aux citoyens de se balader tranquillement. Les liaisons et les passages entre ruelles ne sont ni engageants, ni rassurants, obligeant les piétons, surtout les femmes, à effectuer un détour. »

Le soir, la capitale est peu attirante en raison d’un « éclairage obsolète », poursuit-elle, qui pointe une ville hostile aux piétons.

« En tant que piétons, il est difficile de s’approprier certains espaces. Prenons l’exemple du square Bresson. Dépourvu de bancs, il n’offre pas de possibilités aux promeneurs de s’asseoir, d’où ce spectacle de gens assis sur des cartons par terre. Sur un autre volet, la notion de continuité lorsqu’on aborde un parcours urbain n’existe pas dans la capitale. L’exemple le plus frappant, c’est l’esplanade de Bab El Oued. Des bancs y ont été aménagés afin de permettre aux citoyens de ne plus tourner le dos à la mer, parfait ! Le hic, c’est que  ces assises s’interrompent dès qu’on dépasse cette promenade et qu’on se dirige vers Bologhine », égrène-t-elle encore.

« Un vrai plan d’aménagements devrait inclure des terrasses, des kiosques, des glaciers, des assises avec ombrières pour rendre la côte plus agréable », propose Amina Lacheheb.

Catastrophe ‘Hamisienne

Amina Lacheheb poursuit : « Sortons un peu d’Alger pour rejoindre l’une des banlieues les plus hideuses de la capitale : El Hamiz. Anarchie, incohérence et absence totale d’esthétique caractérisent cette ville. On sent complètement l’absence de l’État. Sinon, comment expliquer l’existence de ce quartier qui ne respecte aucune loi en matière d’architecture et de design urbain ? »

Alger suffoque sous les bouchons

Chafika Ait Oudia, designer de son métier participe également à cette Biennale. Son projet : une maquette de 5 m2 représentant un bureau, aux modules mobiles qui peut être installée n’importe où.

« Je passe deux heures dans la circulation pour rejoindre mon lieu de travail et autant pour rentrer chez moi. Alger est une capitale très encombrée. Une partie de la journée est perdue sur le chemin du bureau. C’est dans ces conditions que l’idée de créer des bureaux « nomades » que les entreprises pourraient louer à leur personnel, a germé », explique-t-elle.

Où est passé le mobilier urbain ?   

Cette designer, décrit Alger comme une ville qui est belle à visiter très tôt le matin et tard le soir lorsqu’elle est moins saturée par le flux des voitures. Elle relève aussi le manque flagrant de mobilier urbain : « Il n’y a pas assez de bancs publics, de corbeilles de villes, d’abribus. L’éclairage public n’existe pas partout. Mis à part les jardins et parcs datant de l’époque coloniale, très peu d’espaces verts ont été aménagés dans la capitale. Les villes limitrophes, ont poussé de manière anarchique, sans aucun respect des lois urbanistiques. La capitale n’est pas une belle carte postale à voir ».

Améliorer la qualité de vie en milieu urbain

Pour Feriel Gasmi Issiakhem, commissaire de cette Biennale, « repenser la ville par le design est au cœur de cette manifestation. »

« Revêtements, éclairage, matériaux, couleurs, typographie, cette première Biennale  qui regroupe des designers, architectes et ingénieurs algériens qui ont tous présenté des prototypes issus de leurs recherches, a pour but de repenser la capitale pour la rendre plus belle et plus conviviale. Le design en milieu urbain inclut les notions d’esthétique, de fonctionnalité et de durabilité. Il faut que les pouvoirs publics fassent appel à tous ces jeunes créateurs et designers qui ont placé l’humain au centre de leurs réflexions », détaille-t-elle.

Le bon goût, gage d’un design urbain moderne

De son côté Halim Faidi, architecte urbaniste, invité d’honneur de cette Biennale a réalisé une installation digitale à découvrir aux Ateliers Sauvages. Réinventer la ville par le design, tout un projet auquel Halim Faidi adhère complétement : « Pour moi, la ville n’existerait pas sans les gens. La ville est un contenant ; la société un contenu. Les deux sont liées comme le corps et l’esprit. Si vous voulez agir sur la ville, il faut agir sur les gens. Et cela passe automatiquement par le design. Le design est un mélange de goût et d’efficience. Un designer doit cultiver le bon goût mais aussi créer des objets utiles, fonctionnels et pratiques ».

Pour cet architecte urbaniste, le design en milieu urbain sert à apaiser l’âme de la ville et celle des habitants. « Lorsque celui-ci est réalisé avec un bon goût », martèle-t-il,  « sinon, c’est la porte ouverte à l’angoisse et au stress ».

Halim Faidi donne comme exemple la placette d’El Biar, actuellement transformée en centre commercial et qui  attend d’être réaménagée en véritable placette publique. « Pour ce projet, j’ai imaginé du mobilier urbain conçu par des designers algériens, des arbres d’essence algérienne et tout un environnement où les habitants se retrouveraient  pour échanger et cultiver une chimie du bonheur. Le design de bon goût est un exercice de pacification. Ça améliore la vie citadine, rend le quotidien plus agréable et influe de manière positive sur le moral des humains ».

Revêtements, éclairage, matériaux, couleurs, typographie, le design d’espace englobe plusieurs activités créatrices qui vont de l’aménagement intérieur et extérieur à la conception d’objets de la vie courante.

En plus d’être utile, le design urbain a pour but d’améliorer la qualité de vie des habitants. Il peut complètement changer une ville en la rendant plus conviviale, plus apaisante et plus agréable à vivre. Alger a besoin d’un véritable toilettage pour retrouver l’image d’une capitale moderne. Les idées et les propositions sont sur la table. Il ne reste qu’aux pouvoirs publics de les adopter.

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