Économie

Crash pétrolier : l’Algérie doit engager « rapidement des réformes courageuses »

Le pétrole américain a clôturé lundi à -37,63 dollars le baril, un niveau jamais atteint par le passé. Pour l’expert Tewfik Hasni, « la chute des prix du pétrole US, même à taux négatifs, était voulue » par les Américains afin de leur permettre, dit-il, de gagner les parts de marché du Brent, en Asie et partout dans le monde.

« Quand le pétrole liquide devient pratiquement à valeur nulle, pourquoi viendrait-t-on vous acheter du Brent ?», s’interroge cet expert en transition énergétique et ex-vice-président de Sonatrach. À l’avenir, la « bagarre » ne sera plus sur les prix mais sur les parts de marché » à gagner, estime l’expert qui reste formel sur le fait que la demande sur le pétrole va être durable.

Pour Tewfik Hasni la solution à la crise actuelle ne va pas venir de la régulation du marché pétrolier. Pour parvenir à gagner des parts de marché, les Etats-Unis ont toujours maintenu le différentiel qui leur permettait de pouvoir seulement compenser le transport de leur pétrole jusqu’en Asie d’où venait la plus grande demande.

Selon M. Hasni, ce serait une « erreur » que de croire que la chute brutale des cours du WTI « soit conjoncturelle » comme certains experts le prévoient. « C’est une erreur de le penser, comme on a fait l’erreur de penser que le coronavirus est responsable de cette chute (des prix). Il s’agit d’une crise réelle du système financier et de l’économie mondiale », relève M. Hasni qui écarte tout parallèle avec la crise de 2008.

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« La crise (de 2008) a été rapidement circonscrite parce que c’était une crise qui était restée dans la sphère financière. On a liquidé une banque (Lehmann Brothers) et tout est rentré dans l’ordre », souligne Tewfik Hasni.

« Aujourd’hui, la crise touche la sphère réelle de l’économie. C’est la grande différence mais que personne ne voit. L’économie s’écroule », fait-il observer.

Pour lui, l’après-2020 « ne sera plus le même ». « Aujourd’hui, nous sommes devant un crash économique sans pareil, qui n’est pas lié à la guerre des prix mais en partie à la stratégie américaine pour imposer un monde unipolaire dominé par le dollar », estime M. Hasni qui prévoit que la monnaie US va s’écrouler « parce que les Etats-Unis perdent des parts de marché qui sont récupérées par la Chine ».

« C’est la guerre (économique) Chine-Etats-Unis qui va amener tous ces bouleversements », pronostique-t-il.

Pour que l’Algérie ne soit plus otage d’enjeux géostratégiques qui la dépassent, elle doit, selon Tewfik Hasni, sortir de cette culture de la rente « au plus vite  » et engager des « réformes courageuses ».

Selon M. Hasni, si l’Algérie n’a pas pu par le passé s’extraire de la rente pétrolière « c’est parce que le lobby pétrolier international, avec ses relais chez nous, a tout fait pour préserver les hydrocarbures comme seules alternatives énergétiques afin de conserver sa dominance sur le plus important marché mondial , celui de l’Énergie ». Et de préciser « La menace est venue des ENR et surtout du solaire thermique. Le lobby pétrolier dépensait semble-t-il près de 200 milliards de dollars par an pour contrer les ENR. L’Algérie avec l’équivalent de 40 000 millions de TEP (tonne équivalent pétrole) devenait plus qu’une menace. Elle devenait la garante de la sécurité énergétique de l’Europe entière ».

« Les réformes doivent être engagées sinon c’est la catastrophe », prévient Hasni. « Avec un baril à valeur zéro, nos réserves de change vont fondre comme neige au soleil », souligne-t-il.

Comme chantiers à engager par l’Algérie, Tewfik Hasni cite la nécessité en premier lieu d’assurer notre sécurité alimentaire. L’investissement dans l’agriculture saharienne est une des pistes que préconise M. Hasni. Il cite aussi des ressources en eau et une énergie solaire abondantes. « Nous avons toutes les ressources et les richesses, mais aussi nous avons un savoir-faire de la jeunesse qui l’a démontré durant cette crise du Coronavirus », rappelle-t-il.

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