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Emmanuel Macron, une ambiguïté au destin présidentiel

Emmanuel Macron, une ambiguïté au destin présidentiel

PORTRAIT DE PRÉSIDENT. Ni de droite, ni de gauche. Ou les deux à la fois. Emmanuel Macron est un « ovni  politique », qui a atterri sur le perron de l’Élysée. Inconnu sur la scène politique avant sa nomination au ministère de l’Économie en août 2014, sa candidature à l’élection présidentielle française relevait de la politique-fiction il y a encore moins d’un an. Emmanuel Macron, 39 ans, vient pourtant d’être élu, ce dimanche 7 mai, huitième président de la Ve république française. La première dame, son ancienne professeure de français au collège, de 24 ans son aînée, l’accompagnera à l’Élysée. Retour sur un parcours hors du commun.

Candidat « antisystème » issu du « système »

Comme un effet de mode, l’ancien locataire de Bercy se présente, à l’image de la majorité des prétendants à la présidence, comme un candidat « antisystème ». Lorsqu’il crée son mouvement transpartisan  En Marche !  en avril 2016, Emmanuel Macron revendique un positionnement en dehors du système des partis traditionnels. « C’est un mouvement politique qui ne sera pas à droite, pas à gauche », avait alors lancé le jeune ministre de l’Économie.

Brillant étudiant, il fait ses classes à la prestigieuse École nationale d’administration (ENA), d’où sort une grande partie de la classe politique. À sa sortie de « l’école de la République », il devient inspecteur des Finances dans l’administration française. Ancien membre du Parti socialiste (PS) de 2006 à 2009, le nouveau président français s’est reconverti dans le secteur privé. Il va alors monnayer ses talents auprès de la très influente banque d’affaires Rothschild & Cie. Il accède au statut de millionnaire après avoir mené à bien un contrat de 9 milliards d’euros.

Il reviendra vers le secteur public lorsque François Hollande, son « père spirituel », l’installe comme Secrétaire-général adjoint de l’Élysée. Un poste stratégique qui lui confère une large influence et, surtout, place Emmanuel Macron au cœur de la politique économique de Hollande. Proche de l’économiste Jacques Attali, il est un des artisans du rapport économique commandé par l’ancien président, Nicolas Sarkozy et dont les grandes lignes d’inspiration libérale se retrouvent sous la présidence Hollande et dans le programme de Macron. Il continuera donc à parfaire sa connaissance du « système » lors de son passage au ministère de l’Économie.

Adulé par les médias, qui lui consacrent le plus grand temps de parole et de couvertures de magazines, sa candidature est portée par des personnalités politiques de premier rang, auxquels viendront s’ajouter de nombreuses autres (ministres, députés, sénateurs…) au fur et à mesure de son ascension. Il tente d’incarner, de par son jeune âge, la modernité, l’ouverture et le réformisme, soit tout le contraire de Marine le Pen, son adversaire au deuxième tour de ce scrutin présidentiel.

Réputé accessible, il est néanmoins accusé de mépriser les classes populaires, qualifiant des ouvriers d’une entreprise en liquidation « d’illettrés », ou invitant d’autres à « travailler pour se payer un costard ». Au contraire, il semble plus à l’aise avec les milieux des affaires, qui lui ont largement apporté leur soutien lors de la campagne électorale.

De grands défis à la tête d’un pays divisé

Macron paraît d’autant plus inquiétant pour une frange de la population dans la mesure où il compte remettre en cause le Code du travail français par ordonnance. Une procédure jugée antidémocratique qui permet de contourner un vote du Parlement pour faire passer des réformes. Pour cela, il aura néanmoins besoin d’une majorité de députés acquis à son projet.

C’est tout le défi pour un personnage qui ne suscite que très peu d’adhésion. Selon une récente étude de Cevipof pour le quotidien français Le Monde, seuls 40% de ses électeurs sont « motivés par une adhésion à son programme ». En d’autres termes, 60% d’entre eux votent pour Emmanuel Macron par défaut et/ou pour contrer la candidate d’extrême-droite, Marine Le Pen.

Il contribue lui-même à ce clivage, notamment en s’apprêtant à profondément modifier le système de retraite français par répartition, en voulant maintenir, voire approfondir la Loi Travail (El Khomri) qui divise. Lorsqu’il était au gouvernement, la Loi Macron (privatisations, travail du dimanche…) a également dû passer en force, à travers un triple usage du controversé article 49-3 de la Constitution (une forme de véto du gouvernement pour faire adopter une Loi).

Il fait pourtant face à de nombreux défis pour redresser une France qui compte 5,5 millions de chômeurs inscrits à Pôle Emploi et 9 millions de pauvres. Par ailleurs, il est attendu sur son programme sécuritaire, alors que le pays est confronté à une vague d’attentats meurtriers depuis deux ans. Enfin, l’un des enjeux sera de rassembler et faire face à une percée sans précédent du Front national, ce parti d’extrême-droite qui inquiète, en France comme à l’étranger.

Mais en fin de compte, son positionnement « ni de gauche – ni de droite » agace. Ce flou lui a permis, jusqu’ici de ne heurter aucun des deux camps et d’engranger un maximum de soutiens. Mais « on ne sort de ses ambiguïtés qu’à ses propres dépends », préviennent ses adversaires politiques.

Macron et l’Algérie : un « ami » incertain ?

Quid de ses rapports avec l’Algérie ? Emmanuel Macron a sans doute été l’homme politique français qui a fait le geste le plus fort sur la question mémorielle. Allant jusqu’à qualifier la colonisation de « crime contre l’humanité » lors de son passage à Alger, il affirme que la France doit présenter des excuses à l’Algérie. Pour autant, face au tollé provoqué par ses propos en France, il effectue un rétropédalage en parlant de « crime contre l’humain ». Il se montre également plus conciliant envers les harkis et les « pieds noirs » en présentant  ses excuses, « sans se renier ». C’est là un exemple de ses tentatives de ménager « la chèvre et le chou ». C’est justement ce qui a toujours compliqué la relation algéro-françaises.

Sur le plan politique, le ministre algérien des Affaires étrangères a qualifié le candidat « d’ami de l’Algérie ». Lors de son séjour à Alger en février, le gouvernement l’a accueilli comme un chef d’État, avec une audience accordée par le Premier ministre Abdelmalek Sellal notamment. Il est en tout cas (certes par défaut) le « choix favori » du pouvoir algérien.

Toutefois, sur le plan de la relation économique, on voit mal comment il pourrait modifier la donne actuelle. Après les promesses du gouvernement de François Hollande, notamment sur les « colocalisations » et la coopération accrue, l’Algérie risque de nouveau d’être déçue.

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