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France : pourquoi Eric Zemmour déteste l’Algérie

France : pourquoi Eric Zemmour déteste l’Algérie

Eric Zemmour est-il obsédé par l’Algérie ? C’est une théorie que Dominique Sopo, président de SOS Racisme développe intelligemment.

Il a publié le 4 décembre, une tribune dans Jeune Afrique titrée "Eric Zemmour, une névrose algérienne".

Il y partage son analyse de la démarche politique d’Eric Zemmour, notamment son désir ardent de redonner à la France sa grandeur perdue à travers l’histoire.

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Pour Dominique Sopo, la candidature d’Eric Zemmour est une forme de revanche sur l’Algérie. Un enfant qui veut défendre l’honneur de ses parents pieds-noirs qui ont dû quitter précipitamment l’Algérie au moment de la guerre d’Indépendance.

Pour Dominique Sopo, son dessein secret concerne essentiellement "la seule Algérie que ses parents ont dû quitter et à l’encontre de laquelle il a juré de porter une revanche que ses parents ne lui ont sans doute jamais demandé de prendre".

L’Algérie, une addiction zemmourienne

La thèse de Dominique Sopo ne sort pas de nulle part. D’un point de vue purement factuel, l’Algérie est très souvent citée par le polémiste, fils de pieds-noirs algériens. Avant même de se positionner en tant que candidat officiel à la présidentielle français de 2022, Eric Zemmour avait commencé à sortir la carte Algérie, notamment pour revisiter des pans de l’histoire franco-algérienne.

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Chacune de ses déclarations frappe là où les réactions seront assurées. Parmi ses déclarations les plus polémiques on se souvient de ces phrases :

"Il n’y avait pas de nation algérienne avant la colonisation« . »Je suis du côté du général Bugeaud« , ou encore ses critiques à l’hymne national Kassaman, dans lequel il n’apprécie pas que la France soit citée en tant qu’ennemi. Il a même fait le reproche au symbole national, Zinedine Zidane – encore un Algérien – de porter un prénom musulman et non français. Il aurait dû s’appeler »Jean", d’après Zemmour

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Les récents soubresauts entre Emmanuel Macron et l’Algérie, ont relancé la machine. Eric Zemmour était le premier à critiquer la position du président français qu’il estime d’inconstant vis-à-vis de l’Algérie et de la question mémorielle. "Emmanuel Macron c’est le vide et c’est un adolescent qui n’est pas fini", avait-il fustigé.

Étonnamment, Eric Zemmour est aussi capable d’amour vis-à-vis de l’Algérie. Mais seulement la coloniale, celle du passé dans laquelle ses parents ont grandi.

Encore là, le candidat de l’extrême droite n’hésite pas à piocher dans l’Algérie pour écrire son récit familial. Il ne cesse de raconter le passé de ses parents originaires de l’est algérien et de lui, le juif d’Algérie qui a appris à devenir un bon Français. Même lors de son premier grand meeting de campagne à Villepinte, il est revenu sur ses origines amenant ainsi la preuve qu’il n’est pas raciste, mais seulement nostalgique du temps de l’assimilation. L’Algérie ne quitte jamais Eric Zemmour ou est-ce l’inverse ?

Au sein de la communauté algérienne, la haine de Zemmour inquiète

Ce jeu politique n’est pas sans conséquence sur la diaspora algérienne en France, dont une grande partie votera au scrutin présidentiel l’année prochaine.

Au sein de la diaspora, on refuse de croire que ce candidat parviendra à passer le premier tour mais son influence néfaste et son obsession de l’Algérie suscitent des inquiétudes. Nous avons interrogé plusieurs membres de la diaspora algérienne en France, la majorité d’entre eux se sent particulièrement visée par le candidat de l’extrême-droite.

"Eric Zemmour n’aime clairement pas les Algériens, mais il ne me fait pas peur. Il utilise l’argument de l’Algérie parce que c’est un sujet sensible en France, mais ce pays ne le concerne pas et encore moins la guerre d’Algérie, il est né en France, il ne connaît même pas ce pays. Pour moi il n’a aucune chance de gagner, il est seulement là pour faire l’animation", estime Hamid, 74 ans, un immigré algérien à la retraite vivant à Marseille.

En revanche Samira, 35 ans rédactrice web, arrivée à Paris il y a quelques années, a beaucoup d’appréhension quant à la candidature du polémiste. "Si Zemmour passe, je ne sais pas si je veux rester en France. C’est vraiment une option pour moi, je ne pourrais pas supporter davantage de racisme anti-algérien", admet-elle.

"Je ne crains pas de le voir gagner l’élection, mais j’ai peur de la place qu’on lui donne dans les débats. J’ai vraiment peur que sa parole attise la haine, fasse monter l’extrême-droite en France, que la haine anti-musulman et anti-arabe se normalise. En plus on sent qu’il a une détestation particulière pour les Algériens, je ne l’entends pas citer le Maroc ou la Tunisie ou d’autres pays arabes. Lorsque Zemmour parle d’immigration et d’islam il désigne souvent les Algériens", analyse Kheira, 45 ans, franco-algérienne et assistante sociale en région parisienne.

"Son discours est très dangereux, surtout en cette période de pandémie où beaucoup de personnes sont en souffrance financière mais aussi psychique, elles sont très sensibles aux discours politiques, il leur faudra un coupable. C’est le moment de toutes les dérives, l’histoire nous a appris que dans ces contextes, on peut glisser vers l’acharnement sur une communauté désignée. En France tout le monde n’est pas capable de prendre du recul et de réfléchir par soi-même", ajoute-t-elle.

L’Algérie, thème de campagne ?

Ces craintes chez les Algériens de France se comprennent, car en réalité Eric Zemmour a lancé une tendance en France. Son attitude commence à déteindre sur les autres candidats.

À la veille de la présidentielle française, l’Algérie semble être un sujet sur lequel il faut prendre position. Valérie Pécresse ne cesse de la nommer lorsqu’elle évoque ses promesses pour réduire l’immigration. Arnaud Montebourg n’apprécie pas la politique mémorielle d’Emmanuel Macron vis-à-vis de l’Algérie.

Marine Le Pen promet de punir l’Algérie qui ne reprend pas ses clandestins en empêchant le transfert de devises des immigrés algériens. La liste est encore longue, alors que la campagne électorale démarre à peine. Toutes ces propositions concernant l’Algérie rythment les débats sur les plateaux TV et débats à la radio.

Lors des campagnes électorales précédentes, il est vrai que l’Algérie et l’immigration algérienne pouvaient être citées. Mais il s’agissait surtout d’un thème pour l’extrême-droite, un sujet connexe, brièvement évoqué sur les questions de quotas d’immigration ou de mémoire.

Mais pour cette élection 2022, elle est constamment citée que ce soit sur les questions d’immigration mais aussi d’islam ou encore de relations diplomatiques et de coopération économique. Chaque candidat se retrouve à citer ce pays…par opportunisme ou conviction ?

On ne saurait dire quel réel sentiment Eric Zemmour a vis-à-vis de l’Algérie. Haine, fascination, déception, désir ? L’attention que le candidat porte à ce pays et ses citoyens n’est pas vue d’un bon œil de la part des Algériens de France. À juste titre, puisqu’à force de s’accrocher à ce thème, Eric Zemmour en a fait un enjeu politique et une cible des débats, dans lesquels les Algériens sont les premières victimes. On ne sait pas si cette stratégie lui fera gagner la présidentielle, mais on peut être sûrs qu’elle fait perdre les Algériens en France.

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