Économie

Gaz : l’Algérie a-t-elle raté une occasion en or ?

Prix des hydrocarbures en hausse et une Europe qui sollicite des quantités supplémentaires pour réduire sa dépendance vis-à-vis de la Russie, la situation se présente comme une aubaine pour l’Algérie, reliée en plus par plusieurs gazoducs au Vieux continent.

Pour le Financial Times, la crise ukrainienne et la volonté de l’Union européenne de mettre fin aux importations de gaz russe auraient pu être une occasion en or pour l’Algérie de renforcer ses parts sur le marché européen de l’énergie.

Mais l’Algérie a des quantités supplémentaires limitées à mettre sur le marché, la faute au manque d’investissements, aux politiques de gestion et de développement des hydrocarbures et à la hausse de la demande interne, résume le journal économique britannique, qui rapporte les analyses de plusieurs experts abondant dans le même sens.

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Ces derniers soulèvent en outre la question pertinente des réformes que l’Algérie a toujours hésité à engager.

Mostefa Ouki, chercheur senior à l’Oxford Institute for Energy Studies, a indiqué que, « à court terme, l’Algérie ne pourrait fournir à l’Europe que quelques milliards de mètres cubes de gaz supplémentaires ».

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« L’Algérie a raté une occasion de réaliser tout son potentiel. Cela est dû à des années de sous-investissement par les compagnies pétrolières internationales en raison de conditions budgétaires difficiles et d’un environnement opérationnel global marqué par la bureaucratie et la lenteur de la prise de décision », explique pour sa part Anthony Skinner, consultant en risques politiques.

Le journal britannique rappelle dans ce sens que lors de la dernière attribution de licences opérée par l’Algérie en 2014, seuls quatre des 31 blocs proposés ont trouvé preneur.

La nouvelle géopolitique de l’énergie pourrait permettre « le retour de partenariats internationaux dans le secteur algérien des hydrocarbures en amont », entrevoit Mostefa Ouki, mais, tempère-t-il, le développement conjoint de nouveaux approvisionnements en gaz serait un processus long et pourrait être incompatible avec les plans de décarbonation de l’Europe.

L’expert a aussi noté l’augmentation de la demande intérieure de gaz naturel en Algérie, susceptible d’influer sur les quantités disponibles pour l’exportation.

Conseil national de l’énergie : un bon signe ?

L’Algérie a récemment mis en place un conseil national de l’énergie, présidé par le président de la République Abdelmadjid Tebboune, dans but de coordonner la politique des hydrocarbures. Certains experts cités par le Financial Times y voient un signe positif.

« Cela pourrait aider l’Algérie à réfléchir à une stratégie à long terme plutôt que de se concentrer uniquement sur les gains actuels. Le bricolage constant des règles avait renforcé la perception que l’Algérie était instable dans ses conditions d’investissement », analyse Riccardo Fabiani, responsable du programme Afrique du Nord à l’International Crisis Group.

Pendant des décennies, rappelle FT, l’État algérien fournissait des subventions et des emplois aux citoyens en échange de leur acceptation du maintien du régime. « Mais cet arrangement s’est effiloché avec la chute des prix du pétrole en 2014 », écrit le journal économique de référence.

« Chaque président qui arrive a une base de pouvoir limitée et ne veut prendre les décisions de réforme difficiles que lorsque les revenus sont serrés et lorsqu’il est plus difficile de les prendre. Une fois que le prix du pétrole a augmenté, ils arrêtent les réformes et commencent à distribuer de l’argent pour augmenter leur popularité », indique Riccardo Fabiani.

FT souligne dans ce sens qu’après l’augmentation des revenus des exportations de pétrole et de gaz à  35 milliards de dollars en 2021, contre 20 milliards en 2020, l’Algérie a suspendu ses projets d’augmentations d’impôts et de réformes des subventions et introduit une allocation chômage au profit des jeunes.

« Si le gouvernement Tebboune avait lancé des initiatives de réforme pour encourager les investissements du secteur privé dans des secteurs tels que l’agriculture et les start-ups, c’était encore en situation hybride. Il veut trouver des moyens de se réformer, mais il est toujours coincé autour de l’ancien contrat social expiré centré sur la répartition de la rente », analyse de son côté Adel Hamaizia, chercheur associé au programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Chatham House à Londres.

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