search-form-close
Hasna El-Becharia, l’âme féminine du diwane, laisse un héritage impérissable

Hasna El-Becharia, l’âme féminine du diwane, laisse un héritage impérissable

Hasna El-Becharia, la rockeuse du désert, s’en est allée brutalement le mercredi 1er mai, à l’âge de 74 ans. Pionnière de la musique diwane ou gnaoua, elle laisse derrière elle un immense vide et un héritage impérissable.

Il fallait une dose sacrée de témérité et de caractère pour pouvoir s’imposer d’abord dans son environnement immédiat, prisonnier du poids de la tradition, et sur la très exigeante scène internationale.

Pourtant, c’est le pari réussi de son vivant de Hasna El-Becharia, née Hosni Hasniat, morte brutalement mercredi 1er mai à Béchar, sa ville natale, d’une crise cardiaque à l’âge de 74 ans.

Enfant déjà, elle montre un vif intérêt à la musique en regardant son père jouer à la maison du Guembri, cet instrument typique de la musique Gnaoua, aux sonorités caverneuses.

Mais ce père, maître de cette musique, ne voit pas d’un bon œil l’intérêt de sa progéniture à un domaine dont il pense, à tort, qu’il est réservé exclusivement à la gente masculine.

« Le Guembri est fait pour les hommes, pas pour les femmes », lui dit-il un jour en l’invitant à s’occuper plutôt de la cuisine. « Va faire le couscous, le thé, le msemen, le guembri c’est pour les homme », l’exhorte-t-il, a rappelé Hasna El-Becharia dans un documentaire qui lui a été consacré par TV5 Monde.

Cette injonction parentale ne dissuade pas pour autant la téméraire jeune fille qui s’isole parfois sur la terrasse de la maison pour se livrer à sa passion : l’apprentissage de la musique.

Hasna El-Becharia, la rockeuse du désert qui laisse un immense vide en Algérie

C’est ainsi qu’elle finit par apprendre à jouer de plusieurs instruments : l’harmonia, le luth, la guitare électrique, mais aussi la percussion.

Artiste à la sensibilité aiguisée, dotée d’une voix rugueuse, Hasna El-Becharia commence par animer des soirées familiales et privées.

Au milieu des années 70, elle fait sensation lors d’un concert organisé par l’union nationale des femmes algériennes (UNFA). Un début de consécration pour une femme qui réussit à braver les interdits dans un milieu encore réfractaire à l’émergence de la gente féminine dans un domaine où seuls encore les hommes officiaient.

Malgré quelques sollicitations, Hasna El-Becharia, soucieuse de sauvegarder un patrimoine auquel elle tient comme à la pupille de ses yeux, refuse d’enregistrer des albums.

« Fille d’un maître du diwane, elle a d’abord joué pour les siens, gardant farouchement sa musique au sein de sa communauté, refusant même d’enregistrer un disque par respect pour la pureté de la tradition », soutient Sara Nacer, réalisatrice du documentaire « La Rockeuse du désert (avril 2022) », selon des propos cités par le journal « Le Monde ».

Ce n’est qu’après un séjour en France en 1999, invitée au célèbre « Cabaret sauvage », qu’elle consent à enregistrer un album, « Djazair Djawhara », grâce au soutien de son compatriote, le guitariste Kamel Zekri.

Depuis, les sollicitations pleuvent. Elle se produit dans plusieurs festivals et sillonne le monde lequel découvre un genre de musique particulier, aux sons profondément africains, mais surtout une voix envoûtante qui chante « l’amour, le désert et la famille ».

Le succès aidant, elle enregistre un second album « Smaa smaa » en 2010. Attachée à la terre qui l’a inspirée, elle retrouve en 2014 sa ville natale en intégrant « Lemma », groupe féminin intergénérationnel mis sur pied par l’artiste Souad Asla qui ne tarit pas d’éloges sur sa compatriote dont elle admire le courage et l’émancipation.

« J’ai connu Hasna lorsque j’étais enfant, elle chantait dans les mariages de mes frères et sœurs. J’ai toujours cette image d’elle avec sa guitare électrique. J’étais déjà, à l’époque, fascinée par sa liberté », témoigne Souad Asla au journal « Le Monde ».

Âme féminine du Gnawa, Hasna El-Becharia part avec un petit pincement au cœur et un regret : absence de femmes à Béchar et en Algérie jouant au Guembri. Mais qu’importe : elle laisse un héritage impérissable dont ses compatriotes seront toujours fiers.

  • Les derniers articles

close