Économie

« Il faut plafonner les prix des produits de large consommation »

ENTRETIEN. Mustapha Zebdi est le président de l’Association de protection des consommateurs (Apoce). 

Le ministre du Commerce a annoncé la mise en place de 150 marchés de proximité dans tout le pays dont une dizaine dans la capitale en prévision du Ramadan. Ces marchés peuvent-ils vraiment freiner la flambée des prix ?

La mise en place des marchés de proximité n’est pas nouvelle, elle date de l’année passée. Çà a diminué un petit peu les prix sans pour autant les stabiliser ou éliminer ces hausses. Donc c’est une démarche bénéfique qui peut palier à une flambée excessive des prix à condition que tous les marchés soient ouverts et opérationnels. Le manque de marchés de proximité est une des raisons qui sont derrière l’instabilité des prix mais aussi de l’offre. Nous saluons ces dispositions néanmoins les marchés de proximité doivent rester ouverts à longueur d’année et ouvrir le même nombre que celui des marchés informels démantelés il y a quelques années.

Autre que la construction de marchés, que devrait faire le gouvernement pour en finir avec le renchérissement des prix à chaque Ramadan ? Autrement dit, que proposez-vous pour en finir avec ce phénomène ?

Il faut savoir que la flambée et ces troubles de la disponibilité de produits surtout agricoles sont dus à plusieurs raisons. Certes, le manque de marchés de proximité est une des causes mais ce n’est pas la seule. C’est pour cela que nous avons demandé à ce que la réglementation soit appliquée surtout en ce qui concerne les bons de transaction commerciale. Cette réglementation existe depuis 2016 mais elle n’est malheureusement, à ce jour,  pas appliquée. Grâce à ces bons ont peut faire la traçabilité des produits mais aussi connaitre la marge bénéficiaire de chaque opérateur économique dans cette chaine de distribution. Donc, le bon de transaction commerciale contribuera à identifier les spéculateurs et ceux qui prennent des marges bénéficiaires excessives. Autre demande formulée par notre organisation depuis des années : le plafonnement des marges bénéficiaires pour les produits de large consommation et particulièrement les légumes et fruits de saison. L’OMS recommande la consommation de cinq fruits et légumes par jour, ce qui est difficile à atteindre pour certaines familles algériennes. Et cela risque de poser un problème de santé publique. Nous sommes pour que l’État subventionne les fruits de saison plutôt que le sucre par exemple qui est un danger pour le consommateur algérien. Autre mesure applicable et qui ne nécessite pas de grands budgets, c’est l’ouverture des marchés dits parisiens dans les grands lieux de résidence. Cela peut contribuer à la disponibilité des produits et à des prix rationnels et logiques.

Pendant chaque Ramadan la consommation des Algériens augmente considérablement, le gaspillage aussi. Que fait votre association pour inciter les consommateurs à plus de modération dans la consommation ?

Il faut savoir que la ration alimentaire la plus équilibrée pour le consommateur algérien est celle du mois de ramadan où il y a une consommation diverse (salade, plat de résistance et fruit). Mais cela nécessite une bourse plus importante et d’après notre enquête les dépenses des familles algériennes augmentent d’au moins 50% par rapport aux autres mois de l’année. Un autre facteur qui est important sans pour autant démentir la première hypothèse, c’est le gaspillage de certains produits surtout ceux subventionnés par l’État. C’est pour cela que chaque année, toutes les associations de défense des consommateurs lancent au début de chaque mois de ramadan des campagnes de sensibilisation pour inciter le consommateur à avoir une consommation rationnelle et des dépenses calculées.

Peut-on quantifier le gaspillage pendant le Ramadan ?

Personne ne peut vraiment le faire. Il y a une société de ramassage des ordures ménagères, Extranet, qui l’a fait dans une région d’Alger mais nous n’avons pas à notre disposition ses chiffres.

Qu’en est-il du contrôle de la qualité des produits frais (viandes, lait, etc) proposés aux Algériens ?

Ces produits dits sensibles comme les dérivés du lait connaissent une forte consommation pendant le mois de ramadan. Malgré le peu de moyens du personnel du contrôle du ministère du Commerce, ils font un travail rigoureux et régulier. Mieux, ils multiplient les efforts en cette période de l’année. Comme preuve, pendant le Ramadan toutes les demandes de congés ne sont pas acceptées. Ce problème de manque de personnel dans la direction de contrôle et celui du nombre très élevé de commerçants exigent vigilance et attention particulière de la part du consommateur en contrôlant tout produit avant sa consommation. On ne peut pas compter que sur les agents de contrôle du ministère du Commerce, tout le monde doit s’impliquer. Et nous en tant qu’organisation on a mis en place un numéro vert à la disposition de tous les consommateurs pour nous tenir informés de toute défaillance ou toute situation pouvant porter préjudice au consommateur. C’est le 3311.

On a assisté ces derniers temps à des campagnes sur les réseaux sociaux appelant au boycott de certains produits ‘’Made In Algeria’’ comme les véhicules. Un commentaire ?

Le boycott est une culture et c’est une arme redoutable qui permet au consommateur d’arracher des droits. Mais il ne doit être pratiqué que lorsque ces droits sont bafoués par un opérateur. En tant qu’organisation nous accompagnons tout appel au boycott lorsque les arguments sont solides et les intentions saines. Mais malheureusement, on a entendu parler de certaines campagnes qui n’ont aucun fondement logique et d’ailleurs elles n’ont jamais été suivies.

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