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Jugé devant la CIJ : le jour de la grande honte pour Israël

Quelle que sera l’issue du procès intenté à Israël par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice (CIJ) et les retombées d’une éventuelle condamnation, cet épisode restera comme une grande honte pour l’État hébreu en étant jugé pour génocide.

La fondation même d’Israël est « légitimée » pour rappel par le génocide subi par le peuple juif pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le texte même en vertu duquel est poursuivi Israël, soit la Convention internationale contre le génocide de 1948, doit son existence au souci du monde d’éviter la réédition de ce que les Nazis avaient fait aux Juifs d’Europe.

Trois quarts de siècle après, l’État créé pour protéger les Juifs d’un autre génocide est poursuivi pour génocide, du moins pour manquements à ses obligations dans le cadre d’une convention internationale signée pour éviter d’autres génocides aux peuples de la planète, celui d’Israël en premier.

C’est pourquoi la requête sud-africaine fait très mal à Israël et son gouvernement extrémiste.

Le procès s’est ouvert, jeudi 11 janvier, à La Haye (Pays-Bas) et s’est poursuivi vendredi. Il a été vécu en Israël comme « une forme de drame national », résume le quotidien français Le Monde.

L’identité du pays plaignant n’est pas sans rappeler un autre affront fait par les gouvernements successifs d’Israël à la mémoire des victimes juives du racisme et de la discrimination : leur soutien au régime d’apartheid en Afrique du Sud.

Il ne s’agit pas d’une vengeance du pays de Nelson Mandela, mais d’un attachement des successeurs de celui-ci aux principes des droits de l’homme et des peuples qui ont fondé la nouvelle Afrique du Sud au début des années 1990.

« En réalité, l’Afrique du Sud n’a rien à gagner avec cette procédure si ce n’est défendre des valeurs universelles », explique l’avocat international Johan Soufi sur son compte X.

La requête de l’Afrique du Sud fait suite à de nombreux appels, dont celui du président algérien Abdelmadjid Tebboune, à traîner Israël devant les juridictions internationales pour les crimes commis en Palestine depuis plusieurs décennies, particulièrement à Gaza depuis le 7 octobre 2023.

L’armée israélienne bombarde de manière indiscriminée la minuscule enclave palestinienne dans laquelle s’entassent plus de deux millions d’habitants, tuant plus de 23.000 civils en trois mois, des enfants et des femmes pour la plupart.

Dans le même temps, des intentions de déplacer la population de Gaza vers l’Égypte ou encore le Congo, sont clairement exprimées par des officiels israéliens, dont les ministres religieux extrémistes du gouvernement de Benyamin Netanyahu.

Devant la CIJ, Israël n’a pas pu réfuter les accusations de l’Afrique du Sud

L’Afrique du Sud estime qu’il s’agit d’un génocide qui s’inscrit dans le cadre de décennies d’oppression des Palestiniens par Israël. Les actes israéliens « revêtent un caractère génocidaire, car ils s’accompagnent de l’intention spécifique requise de détruire les Palestiniens de Gaza », est-il écrit dans la requête.

Le dossier sud-africain est solide tant tous les éléments de la volonté de génocide sont réunis et difficilement révocables. Le monde a assisté à une traduction juridique des crimes d’Israël, du reste documentés quotidiennement par les images insoutenables diffusées par les médias de la planète.

De l’avis des observateurs, les avocats d’Israël n’ont pas convaincu dans leurs dénégations, notamment lorsqu’ils ont tenté de prouver que cet État « respecte le droit international ».

« Aujourd’hui, l’État d’Israël n’a pas réussi à réfuter les arguments convaincants de l’Afrique du Sud qui ont été présentés à la Cour », a déclaré à la presse, vendredi 12 janvier, le ministre sud-africain de la Justice, Ronald Lamola, après les plaidoiries des avocats de l’État hébreu.

Ce procès fera date, car Israël a rompu avec son mépris habituel de la justice et des institutions internationales et a dépêché une armada d’avocats pour se défendre des accusations qui l’accablent.

Une éventuelle condamnation équivaudra à un coup de grâce à l’image de l’État hébreu, déjà largement écornée partout dans le monde, y compris aux États-Unis où l’administration de Joe Biden continue de soutenir sans conditions militairement et politiquement alors que l’opinion publique a pris ses distances.

Même sans condamnation, la tenue du procès est en elle-même une grande défaite pour Israël, estiment les observateurs parmi la classe politique et les médias israéliens.

L’autre fait marquant, c’est le dépôt de la requête par un pays du Sud, soutenu par des États de la même sphère, devant le silence des Occidentaux, les défenseurs habituels des « valeurs universelles » et du « droit international ».

« Par lâcheté ou hypocrisie », ni les pays arabes « qui affirment défendre les Palestiniens », ni les Occidentaux « qui défendent les droits de l’homme », « n’ont véritablement soutenu cette démarche », souligne sur la plateforme X l’avocat de l’Afrique du Sud, Johann Soufi. « On assiste à un bouleversement du monde », écrit-il.

Un avis largement partagé. « Le renversement du monde », titre Edwy Plenel un article dans lequel il souligne que « l’Europe et sa projection nord-américaine se revendiquent d’une universalité des droits humains que leurs actes n’ont cessé de contredire ».

« Face à leur inaction devant la destruction de la Palestine par l’État d’Israël, c’est l’Afrique du Sud qui, aujourd’hui, défend cet universel », écrit le directeur et fondateur de Mediapart.

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