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Khaled Nezzar : un homme lié à deux étapes clés de l’Algérie indépendante

Khaled Nezzar : un homme lié à deux étapes clés de l’Algérie indépendante

Son nom restera, pour la postérité, intimement lié à deux dates clés, deux moments de basculement de l’Algérie indépendante.

La première date concerne les événements du 5 octobre 1988, premier soulèvement populaire des Algériens contre la détérioration de leurs conditions de vie et le système du parti unique. 

La seconde est l’arrêt du processus électoral en 1992, qui a été suivi d’une insurrection islamiste armée, dans lequel on lui prête un rôle majeur.

Le général-major à la retraite, Khaled Nezzar, décédé ce vendredi 29 décembre l’âge de 86 ans est l’un des militaires les plus connus en Algérie, mais aussi le plus controversé.

Une popularité qu’il doit certainement à son parcours, à son exposition médiatique et à un son rôle politique à des moments charnières de la vie de la Nation.

Natif de Seriana (Batna) en 1937, Khaled Nezzar intègre, dès l’âge de 12 ans, plusieurs écoles militaires autant en Algérie, alors colonie française, qu’en France où il déserte, avec le grade de sous-officier, en 1958 pour rejoindre l’ALN. 

Deux ans après l’indépendance, il intègre l’académie militaire Frounze en ex-URSS puis la célèbre Ecole de guerre de Paris. 

Parfait francophone et cultivé, il gravit les échelons de la hiérarchie militaire pour devenir en 1986 commandant des forces terrestres de l’ANP.

Khaled Nezzar : le général au parcours controversé s’en va

Un poste qui traditionnellement en Algérie propulse son titulaire pour occuper le poste de chef d’Etat-major de l’armée. C’est ainsi qu’en 1988, il sera nommé à ce poste.

Et à ce titre, il aura la lourde tâche de rétablir l’ordre dans un pays secoué par de violentes émeutes le 5 octobre 1988, conséquence d’une grave crise économique et de lutte dans le sérail entre les tenants d’un dirigisme économique et les partisans de l’ouverture.

A ce jour, ses détracteurs lui imputent la responsabilité de la sanglante répression des événements du 5 octobre.

Khaled Nezzar qui s’est toujours défendu de cette accusation justifiera plus tard les « dérives » par l’impréparation de l’armée pour gérer ce genre de situations.

Il sera aussi accusé d’avoir été le principal artisan, alors qu’il a été nommé entre temps comme ministre de la Défense, de l’arrêt du processus électoral en janvier 1992 après la victoire au premier tour des législatives de l’ex-Front islamique du salut (FIS). 

Alors que le pays plonge dans une crise institutionnelle après la démission du Président Chadli Bendjedid, Khaled Nezzar fait partie du Haut comité d’Etat, dirigé par le défunt Mohamed Boudiaf – assassiné quelques mois plus tard en juin 1992-, en compagnie de Ali Haroun, Ali Kafi et Tidjani Heddam. 

Une période pendant laquelle le pays a connu aussi de graves violences.

Affublé du titre de « janvieriste », en référence à ceux qui ont décidé de barrer le chemin aux islamistes, Khaled Nezzar qui échappe à un attentat en 1993, se retire cette année-là de la vie politique. 

Un retrait qui le décharge des responsabilités, mais sans lui ôter pour autant l’influence sur les grandes décisions engagées pour le pays. 

Certains le considèrent comme le sauveur de la République face au péril islamiste. D’autres qui pensent qu’une autre solution était possible en 1992 ne partagent pas cet avis.

Depuis, au gré des événements, il n’hésite pas à faire des incursions médiatiques pour s’exprimer sur les questions qui agitent le pays ou pour évoquer son rôle dans les moments tumultueux qu’avait vécu la nation.

 Mais pas toujours avec bonheur. Lors du procès en diffamation qu’il intentera à Habib Souadia, auteur du livre « La Sale guerre » dans lequel il a été stigmatisé, Khaled Nezzar se retrouve à la barre d’un tribunal parisien confronté au défunt Hocine Ait Ahmed en qualité de témoin.

 « J’ai essayé par deux fois de dissuader Nezzar d’arrêter le processus électoral, sinon on irait vers la catastrophe », lance Ait Ahmed, avant de lui lâcher à la face : « Entre toi et moi, il y a un fleuve de sang ».

 Très critique de Abdelaziz Bouteflika avant son arrivée au pouvoir en 1999, Khaled Nezzar finit par se ranger du côté de la raison du « système » et s’efface avant que son nom ne revienne sur les devants de la scène en 2011 après une plainte en Suisse pour « crime de guerre » de l’ONG Trial.

 Classée une premier fois, l’affaire rebondit en 2019 avant qu’elle n’aboutisse en août dernier à un acte d’accusation le ciblant. 

L’accusation suscite la colère d’Alger qui dénonce une « lecture révisionniste, par la Suisse, du combat solitaire de l’Algérie contre le terrorisme ». 

Au faîte du Hirak populaire de 2019, le général à la retraite est auditionné en qualité de témoin par la justice militaire de Blida dans le cadre d’une sombre affaire liée à la présidentielle avortée d’avril de la même année.

 Ciblé par un mandat d’arrêt international émis en août de la même année, il sera condamné à 20 ans de prison en septembre. 

Et sans que personne ne sache à ce jour les tenants et les aboutissants de sa « fuite » à l’étranger, Khaled Nezzar rentre au mois de décembre suivant au pays en se confinant depuis dans un grand mutisme. 

Très controversé, il incarne par certains aspects la ligne de crête d’un conflit idéologique qui traverse la société, entre le courant progressiste et le courant conservateur. 

Mais qu’importe : pour ses services rendus, le président Abdelmadjid Tebboune a salué « l’une des personnalités militaires les plus éminentes ». 

«Il a consacré son parcours de vie, plein de sacrifices et de don de soi, au service de la nation dans les différents postes et responsabilités qu’il a occupés », a écrit Abdelmadjid Tebboune dans un message de condoléances adressé à sa famille et à la famille de l’ANP. 

Comme d’autres avant lui qui ont occupé de hautes responsabilités, Khaled Nezzar s’en va et emporte avec lui des secrets qui auraient pu lever le voile et éclairer les algériens sur certaines périodes qui ont agité le pays même si l’homme, sans doute le militaire le plus prolifique, a consigné son parcours et ses mémoires dans de nombreux ouvrages.

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