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La Russie au Mali : un échec retentissant pour les Occidentaux

La Russie au Mali : un échec retentissant pour les Occidentaux

Depuis l’été dernier et l’annonce par la France de son intention de réduire sa présence au nord-Mali, on parle avec insistance du déploiement des éléments de la société de sécurité privée Wagner.

L’information a été très commentée et fait l’objet de nombreuses réactions. Plus qu’un simple contrat avec une société étrangère de sécurité, un tel déploiement est le signe d’un rééquilibrage des forces présentes dans la région du Sahel et constitue un épisode de la lutte d’influence des principales puissances mondiales dans tout le continent africain, auquel les économistes prédisent de forts taux de croissance à terme.

| Lire aussi : Mali, Libye, Maroc : la diplomatie algérienne sur plusieurs fronts

Wagner est officiellement une société de sécurité de droit privé, mais elle est considérée comme le bras armé de la Russie dans plusieurs zones de conflit dans le monde, principalement en Afrique. Sa présence au Mali est synonyme donc de l’entrée en scène de la Russie dans une zone d’influence occidentale, notamment française.

L’été dernier, les autorités de la transition au Mali, issues du coup d’Etat d’août 2020, ont confirmé les discussions avec le groupe de sécurité privé, mais sans plus.

Parallèlement, des sources indépendantes, notamment médiatiques, ont livré quelques détails de l’accord présumé. L’agence Reuters a cru savoir qu’il porte sur le déploiement d’un millier d’éléments pour un montant de 9,5 millions de dollars mensuels.

Le journal français le Monde a avancé de son côté que l’Algérie, principale puissance régionale, ne verrait pas une telle intervention comme un « repoussoir ».

Les seules fois où l’Algérie s’est exprimée sur la question, par le biais de sources anonymes, c’était pour démentir l’intention qu’on lui a prêtée de financer une partie du contrat, et pour confirmer, à demi-mot, que la situation au Sahel est l’un des plus importants sujets de discorde avec Paris.

En octobre dernier, une source algérienne haut placée a indiqué à TSA que « tout ce qui peut rééquilibrer la présence militaire française dans la région n’est pas forcément mauvais ».

L’une des mesures prises par l’Algérie suite à des propos controversés tenus à son égard par le président français Emmanuel Macron fin septembre, a été de fermer son espace aérien aux avions militaires français qui rallient le nord-Mali dans le cadre de l’opération Barkhane.

L’autorisation de survoler le territoire algérien a été accordée en 2013 sous l’ancien président Abdelaziz Bouteflika. 

Tensions et luttes d’influence

La France n’a jamais caché son inquiétude de voir la Russie s’installer par le biais de Wagner au Sahel.

Dès septembre, son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a « alerté » son homologue Russe Sergueï Lavrov « sur les conséquences graves d’une implication du groupe Wagner dans ce pays (Mali) ».

A la mi-octobre, Le Drian est revenu à la charge pour pointer du doigt le rôle de la société russe dans les pays où est elle est intervenue. 

«Lorsqu’ils pénètrent dans un pays, ils multiplient les violations, les exactions, les prédations pour se substituer parfois même à l’autorité du pays (…) », a-t-il dit, en citant l’exemple le « plus spectaculaire », selon lui de la « République centrafricaine où finalement, pour pouvoir se payer, ils confisquent la capacité fiscale de l’Etat».

Le groupe Wagner, basé officiellement en Argentine, intervient dans plusieurs zones de conflit, notamment Syrie, en Libye et en Centrafrique.

Son arrivée annoncée au Mali inquiète les pays Occidentaux, à leur tête la France et les Etats-Unis, et ce pour différentes raisons.

Jeudi 23 décembre, ce sont 15 pays européens qui condamnent dans un communiqué conjoint l’entrée de Wagner au Mali. Il s’agit de l’Allemagne, la Belgique, le Canada, le Danemark, l’Estonie, la France,  l’Italie, la Lituanie, la Norvège, les Pays Bas, le Portugal, la République Tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni et la Suède.

L’éventuelle intrusion de la Russie dans la région n’inquiète pas que la France, ancienne puissance coloniale. Ce sont tous les occidentaux qui voient d’un mauvais œil un rôle actif du pays de Vladimir poutine dans une de leurs zones d’influence traditionnelles, dans un contexte de tensions avec la Russie sur l’Ukraine et d’autres dossiers.

Surtout, dans une conjoncture plus globale de vive lutte d’influence, principalement économique, sur le continent africain, des puissances traditionnelles et des nouveaux venus que sont la Chine, la Turquie, Israël et donc la Russie.  

 Méconnaissance des sociétés et Etats défaillants 

Le gouvernement de transition au Mali a formellement démenti la teneur du communiqué des 15. Officiellement donc, aucun accord n’a été conclu avec Wagner pour un déploiement de ses troupes sur le terrain, mais le gouvernement reconnait que l’armée russe y est déjà présente, dans le cadre de missions de formation de l’armée locale. La Russie est qualifiée au passage de « partenaire historique ».

Que cette mission de formation soit réelle ou constitue une couverture à d’autres activités, il reste qu’il y a échec de la présence occidentale dans la région.

L’intervention française, avec le soutien d’autres pays occidentaux, n’a pas atteint ses objectifs en ce sens que la région est loin d’être sécurisée et est de plus en plus décriée par les officiels de nombreux pays de la région et dans l’opinion publique africaine.

L’annonce par Paris de la réduction de ses troupes dans la zone est en quelque sorte un aveu d’échec. Toutes proportions gardées, cela rappelle l’intervention américaine en Afghanistan qui a débouché, après vingt ans, sur le retour au pouvoir des Talibans qu’elle est venue combattre.

L’intervention en Irak n’a pas débouché aussi sur la stabilité et la démocratie promise. Pour l’ancien Premier ministre français, Dominique De Villepin, ces échecs répétés sont le résultat de la « méconnaissance » par les grandes puissances démocratiques des sociétés dans lesquelles elles interviennent et où elles ne procèdent pas à la reconstruction des Etats. 

« La force militaire contre une organisation terroriste ou des organisations terroristes, dans des pays qui sont des États en faillite ou défaillants, ne peut pas donner de résultats », analysait il y a trois sur France inter, l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac, l’un des rares dirigeants occidentaux à avoir vu venir le chaos irakien à la veille de l’intervention américaine en 2003. 

« Au Mali, nous sommes dans un piège », a-t-il dit, en soulignant le « rejet par une grande partie des populations » contre la présence militaire française. « La guerre contre le terrorisme (…) une ânerie qui rajoute du terrorisme », a-t-il assené.

L’Algérie soutient aussi que la crise au Mali ne peut être résolue seulement avec les armes. « Pour l’Algérie, la solution au Mali passe par la réunification du nord avec le sud », avait déclaré le 11 octobre le président Abdelmadjid Tebboune.

Tout en assurant que l’armée algérienne « ne s’enlisera jamais dans les bourbiers », il a affirmé qu’au Mali, c’est une affaire de pauvreté et de développement.

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