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L’Algérie veut se lancer dans la greffe du cœur

L’Algérie veut se lancer dans la greffe du cœur

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Dr Rachid Hacini, chirurgien cardiaque algérien installé en France.

Le Dr Rachid Hacini est chirurgien cardiaque algérien installé en France où il exerce au CHU de Grenoble depuis plus de 30 ans. Il s’exprime dans cet entretien sur la possibilité de lancer l’activité de la greffe du cœur en Algérie, tout en exposant les moyens qu’il faut mettre en œuvre pour réussir cette discipline qui n’est pas des plus simples au regard des moyens humains et matériels qu’elle exige. Il pose aussi son regard sur le niveau de la chirurgie en Algérie et assure qu’il apportera son expertise à son pays…de cœur.

 Vous venez souvent opérer ici en Algérie. Comment ça se passe ?

Cela fait une dizaine d’années que je viens en Algérie. J’ai beaucoup travaillé au centre hospitalier militaire d’Ain Naâdja, en collaboration avec le CHU de Grenoble.

On a pu former et développer certaines techniques. J’ai commencé mes premières interventions dans une clinique privée de Ghardaïa, où on a démarré quelques activités.

Surtout, mon activité s’est concentrée par la suite au niveau de certaines structures privées notamment la clinique Chifa, et aussi la clinique Es-Saâda. À Oran, j’ai opéré de nombreux patients. J’apporte ma contribution sur des malades parfois un peu lourds.

Ce sont des interventions complexes ?

Certaines le sont, d’autres sont courantes que mes collègues algériens font très bien comme la chirurgie valvulaire, la chirurgie coronaire et la chirurgie conservatrice de la valve aortique. Et surtout les réinterventions sur des malades qui ont déjà été opérés. Ce sont des chirurgies que certains récusent pour leur difficulté et le risque…

Vous avez opéré des dizaines de malades, mais vous avez aussi formé des médecins algériens. Quel est votre regard sur la formation des chirurgiens algériens ?

Il y a un réel progrès en Algérie. Je constate tous les jours. Je n’ai pas formé complètement ces jeunes, leur formation ils l’ont reçue dans nos CHU qui sont très bien. J’ai apporté une contribution supplémentaire, un perfectionnement technique à ces jeunes que j’ai accompagnés pour certains.

Vous faites aussi la greffe cardiaque…

C’est ce que je pratique au CHU de Grenoble depuis une trentaine d’années. C’est une activité extrêmement lourde, sophistiquée, qui demande des moyens logistiques et humains très importants.

Le Pr Chaouche Hocine (Directeur général de l’Agence nationale des greffes) m’a suggéré de commencer à réfléchir à développer la greffe cardiaque en Algérie.

Vous avez donné votre accord pour venir ?

Je viendrais avec plaisir, c’est mon pays. Je le ferais bénévolement pour développer cette possibilité. Cela demandera certainement une grande collaboration avec tous les intervenants (chirurgiens, médecins), à Alger.

Quelles sont les conditions à réunir justement pour réussir l’activité de la greffe du cœur ?  

La première condition c’est, d’abord, l’environnement lui-même : il faut qu’il y ait des centres avec des moyens techniques assez sophistiqués.

Il faut un organigramme de travail, que l’immunologie soit extrêmement développée. Si on doit commencer la chirurgie de la greffe cardiaque, je pense qu’on n’ira pas chercher les organes à 500 km ou dans un autre pays, comme on le fait en Europe, en fonction des disponibilités.

Les greffes se feront in situ avec un donneur sur place. Pour prélever un cœur, il faut un temps de conservation qui est assez limité dans le temps. En Algérie, je pense que ce n’est pas aussi simple.

Un centre de chirurgie cardiaque avec un donneur local et un receveur in situ est parfaitement faisable. Mais derrière, il faut de la logistique, de bons cardiologues, de bons échographistes et un bon suivi.

Il faut tout un environnement médical avec un chaînage sans faille. La chaîne doit être extrêmement compacte et solide pour réussir à faire la greffe cardiaque.

Je suis jaloux de mes confrères tunisiens et marocains qui, malgré tout, ont initié la greffe cardiaque, et je ne pense pas qu’ils aient vraiment plus de moyens humains et matériels que nous ! Pourquoi n’essaie t-on pas de la développer chez nous ? Il y a un potentiel de prélèvement d’organes qui n’est pas négligeable.

Depuis que vous exercez en Algérie, comment évaluez-vous le niveau et la qualité de la chirurgie et de la cardiologie chez nous ?

Je pense qu’il y a de grandes compétences. Il y a des moyens techniques dont la chirurgie cardiaque a besoin mais qui coûtent malheureusement cher et dont les équipes médicales ne disposent pas.

Elles sont souvent limitées par certains moyens coûteux notamment l’assistance circulatoire, ECMO. C’est une méthode qui permet d’assister les cœurs défaillants quelques heures ou quelques jours, le temps de récupérer. On ne dispose nulle part en Algérie de cette machine alors que de nombreux CHU du monde, en tout cas occidentaux, en disposent.

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