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Le Mali, le nouvel ordre régional au Sahel et les enjeux d’influences aux frontières algériennes

Le Mali, le nouvel ordre régional au Sahel et les enjeux d’influences aux frontières algériennes

TRIBUNE. Parmi nos craintes sur les développements à venir, la situation à nos frontières qui sont soumises à des tensions et des conflits en apparence de nature locale et circonscrite, mais impliquant dans la réalité un nombre croissant d’acteurs internationaux. La situation au Mali en est un exemple édifiant.

Tout au long de notre histoire commune, les deux pays ont entretenu des relations de voisinage empreintes de confiance et de solidarité.

Le Mali accueillit l’année même de son indépendance en septembre 1960, une base de la Wilaya 6 historique (Sahara algérien ) à Gao . La capitale Bamako était ouverte aux activités diplomatiques et le Mali a reconnu le GPRA, quelques mois plus tard en février 1961.

Le Mali d’aujourd’hui est un héritier direct de l’un des plus grands Empires d’Afrique qui a une longue histoire partagée avec l’Algérie et représente pour nos populations du sud un continuum ethnique plusieurs fois millénaires.

À ce titre, toutes les crises politiques internes au Mali depuis 1963 à nos jours ont produit des effets collatéraux de gravité inégale en Algérie.

La plus grave d’entre elles est la chute programmée de Mouammar Kadhafi par une coalition d’États arabes et occidentaux et le chaos qui a suivi cette opération.

Elle est la cause directe de la montée en puissance militaire des groupes terroristes devenue le motif invoqué pour justifier l’intervention militaire française au Mali qui est à la source de l’instabilité et de l’internationalisation de la crise malienne.

La menace réelle réside dans la démultiplication des intervenants

Elle est également derrière la recrudescence des attaques terroristes contre l’Algérie dont celle du complexe gazier de Tiguentourine.

C’est dans cette instable conjoncture régionale que le président Ibrahim Boubacar Keita avait en janvier 2014 officiellement demandé, au président Abdelaziz Bouteflika d’organiser une médiation entre son gouvernement et les chefs des mouvements politiques et militaires d’opposition du Nord.

Il s’agit donc d’une demande de l’État malien que le gouvernement algérien avait favorablement accueillie considérant que la menace était réelle, urgente et globale dans notre propre profondeur stratégique et que « l’avenir du Mali est dans son unité nationale, son intégrité territoriale, dans la réconciliation nationale et la démocratie« , selon la formule de Ramtane Lamamra qui sera le véritable artisan de l’Accord d’Alger 2015 .

L’Accord de Paix et de Réconciliation au Mali de 2015 dont la laborieuse négociation a duré 9 mois a non seulement mis fin aux opérations militaires mais il a également proposé un cadre global d’équilibre des pouvoirs et un schéma d’organisation territoriale en mesure de garantir et de consolider l’unité du Mali.

Il y avait au sein de l’Armée malienne et de la classe politique des secteurs tout à fait minoritaires qui n’étaient pas favorables à cet Accord mais celui-ci présentait toutes les garanties d’un large consensus interne et bénéficiait d’un large crédit au sein des populations fragilisées par l’instabilité et ses effets directs sur leur situation économique et sociale .

Il a reçu l’appui de l’Union africaine, de la Cédéao, a été entériné par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité de l’ONU comme il a été soutenu par l’Union européenne et salué par l’ensemble des organisations régionales et internationales comme un cadre de règlement de la crise et un garant de l’unité et de la stabilité du Mali.

Outre l’engagement des médiateurs internationaux ; Algérie, États-Unis et France, le prestigieux Centre américain Carter assurait l’observation indépendante de l’Accord et le Comité de suivi de l’Accord était assuré par un diplomate algérien de haut rang, Ahmed Bouttache, qui a failli perdre la vie dans l’attentat de novembre 2015 contre l’hôtel qui hébergeait une réunion de ce comité.

Il est permis de dire que l’architecture globale de l’Accord d’Alger est équilibrée, pragmatique et consensuelle ce qui a permis de garantir au Mali depuis 2015 à ce jour son unité et sa cohésion nationale.

Le peu d’engagement des nouvelles autorités maliennes au sein du Comité de suivi était révélateur et laissait présager du récent désengagement et des derniers développements.

Les Émirats Arabes Unis, le Maroc ou Israël agissent depuis longtemps dans cette zone

L’Accord d’Alger peut, à l’instar de tous les Accords de cette nature, être appelé à s’adapter aux nouvelles réalités du terrain, souffrir des aléas de changement des rapports de force ou de gouvernement et à ce titre, nécessiter des protocoles additionnels auxquels l’Algérie était d’ailleurs favorable et prête à les accompagner.

La disposition de l’Algérie avait été communiquée il y’a moins d’une année aux nouvelles autorités maliennes et réitérée il y a peu par Ahmed Attaf qui, tout en renouvelant l’attachement de l’Algérie à l’Accord, a réitéré son soutien aux efforts destinés à lui donner « un nouvel élan ».

Il est tout à fait injuste et non conforme à la réalité de dire que l’Algérie a une quelconque part de responsabilité dans les problèmes entre le Nord et Bamako et contrairement à l’idée répandue par le gouvernement malien , notre pays n’a aucun intérêt dans le démembrement du Mali qui constitue sa profondeur stratégique naturelle et un acteur dans la lutte contre le terrorisme.

La menace réelle réside dans la démultiplication des intervenants entre États, milices, mouvements, intérêts économiques, et médias et peut comme en Libye exacerber la crise, différer les solutions et transformer le Sahel en zone de confrontation entre les grandes puissances, les États-Unis et la Russie.

Les Émirats Arabes Unis, le Maroc ou Israël agissent depuis longtemps dans cette zone et ont mis l’Algérie dans une situation de tension permanente et de guerre d’usure latente et très coûteuse pour son économie.

Le pouvoir malien actuel semble avoir été inscrit dans cette stratégie indirecte car son nouveau langage inamical et belliqueux dépasse largement ses moyens propres et le confine au statut d’auxiliaire dans le nouveau projet du Sahel.

Le nouvel ordre régional en préparation aux frontières orientales et sahariennes de l’Algérie n’est pas une vue de l’esprit mais une réalité géopolitique à laquelle le pays doit se préparer.

Il s’agit de déconstruire le système qui a porté le Panafricanisme et qui a fondé le socle normatif de notre défense nationale et de notre diplomatie en s’appuyant sur la zone la plus fragile, la plus pauvre et la plus perméable aux influences étrangères : le Sahel .

L’Occident et ses alliés dans le monde arabe considèrent notre pays comme un membre influent du groupe des pays hostiles à leurs intérêts en Afrique, au Moyen Orient en Amérique latine et avec l’Iran.

À l’ère du tout numérique le « Name and shame » est appliqué à l’Algérie non pas parce que cela correspond à la réalité mais surtout du fait que ce statut qu’on s’efforce à lui faire porter autoriserait et légitimerait toute opération de détérioration de notre image, de déstabilisation à nos frontières et de mise sous tension de notre armée et de l’économie nationale.

*Diplomate, ancien ministre

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