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Législatives : de quoi le boycott des émigrés est-il le signe

Législatives : de quoi le boycott des émigrés est-il le signe

À peine 5 Algériens résidant à l’étranger sur cent se sont rendus dans les consultas pour voter lors des élections législatives du 12 juin, selon les chiffres provisoires dévoilés samedi soir par le président de l’Autorité électorale indépendante (Anie), Mohamed Charfi.

À l’étranger, le taux de participation est « très faible, il est de moins 5 % », a déclaré M.Charfi.

Cette désaffection n’a rien d’une nouveauté ni d’une surprise. À de rares occasions, les Algériens de l’étranger ne se bousculent pas devant les bureaux de vote.

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Pour rester dans les scrutins législatifs, ils étaient à peine 10% à participer aux élections de 2017, pour un taux national de 37 %.

La désaffection était néanmoins plus significative lors des trois scrutins post-22 février 2019. À la présidentielle du 12 décembre de la même année, seuls 8 % d’Algériens établis à l’étranger ont voté (taux de participation national de près de 40 %). Au référendum du 1er novembre 2020 sur la révision constitutionnelle, le taux de participation à l’étranger était descendu au plus bas (4.04 %), pour un taux national de 23 %, record absolu d’abstention.

Lors de la présidentielle de décembre 2019, des sit-in et autres actions de protestation avaient été observés par les partisans du Hirak devant les consulats qui abritaient les bureaux de vote.

Beaucoup avaient alors crié à l’empêchement des Algériens de l’étranger d’accomplir le droit et devoir électoral. Les autorités algériennes avaient fustigé l’attitude du gouvernement français qui n’aurait pas fait assez, selon elles, pour permettre le déroulement du vote dans des conditions normales.

Si l’action des protestataires avaient été avancée comme la principale raison de l’abstention des Algériens de l’étranger lors de la dernière présidentielle, les anti-élections se sont moins fait entendre lors des deux derniers scrutins, le référendum sur la révision constitutionnelle et les législatives de samedi dernier qui ont pourtant connu des records absolus d’abstention chez les Algériens établis à l’étranger avec 4 et 5 % de participation respectivement.

Il s’agit presque d’une constante : en termes d’abstention, les circonscriptions de la communauté nationale établie à l’étranger arrivent juste après celles de la Kabylie qui enregistrent habituellement les taux de participation les plus bas, frôlant le zéro absolu lors des trois derniers scrutins. Le phénomène mérite que sociologues, politologues et autorités politiques s’y penchent sérieusement.

Acte politique ou indifférence ?

De quoi cette désaffection des émigrés est-elle le signe ? S’agit-il d’un désintérêt pour la chose politique et d’une indifférence au sort du pays ? Ou, au contraire, d’un signe de maturité politique et d’un fort désir de faire bouger les choses ?

Le boycott n’est pas toujours synonyme d’indifférence et de désintérêt. Il peut être aussi, un acte militant et un avis tranché exprimé en faveur du changement et c’est sans doute dans cette optique que s’inscrit une partie des émigrés algériens qui ont choisi de ne pas voter, du moins ceux qui, depuis le début du Hirak, organisent dans les capitales occidentales, notamment à Paris, des manifestations parfois imposantes en faveur du changement pacifique en Algérie.

Du reste, l’attachement des Algériens, où qu’ils se trouvent, à la patrie n’est plus à prouver. Le rôle des émigrés lors de la guerre de Libération en est la parfaite illustration. Au moins donc en partie, la très faible participation au scrutin de samedi 12 juin et aux deux autres qui l’ont précédé est un fort engagement politique.

Aussi, ce boycott quasi systématique des scrutins peut bien être une manière d’exprimer le mécontentement d’une autre partie de la diaspora vis-à-vis des politiques publiques à son égard.

Des politiques pas toujours dénuées de maladresses. Il est indéniable que beaucoup a été fait pour les membres de la communauté nationale établie à l’étranger qui disposent d’une représentation à la chambre basse du Parlement et d’un ministère dédié, et qui ont même depuis quelques années accès aux programmes publics de logement et d’aide à l’emploi de jeunes.

Mais il reste tous ces problèmes que les émigrés n’hésitent pas à crier sur les réseaux sociaux, comme les difficultés à se déplacer au pays (cherté des billets d’avion, indisponibilité des places sur les vols), la gestion critiquée du rapatriement suite à la crise sanitaire de Covid-19.

Il y a eu aussi une disposition constitutionnelle qui pourrait avoir laissé des séquelles : celle qui interdisait aux porteurs de la double nationalité d’accéder à certains hauts postes de responsabilité au sein de l’État. La disposition, introduite dans la constitution de 2016, a été supprimée lors de la révision du 1er novembre dernier.

Engagement politique, mécontentement ou indifférence, le comportement électoral des émigrés algériens mérite qu’on s’y attarde.

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