Économie

Les réussites et les échecs de Ould Kaddour à la tête de Sonatrach

La décision était attendue depuis plusieurs semaines au regard de sa proximité avec le clan de l’ex-président Bouteflika. Depuis hier mardi 23 avril, Abdelmoumen Ould Kaddour n’est plus PDG de Sonatrach. Il a été démis de ses fonctions, par le président par intérim Abdelkader Bensalah et remplacé par Rachid Hachichi, qui occupait le poste de directeur de la production du groupe pétrolier national.

C’est à la surprise générale que M. Ould Kaddour avait été désigné voici un peu plus de 2 ans, à la tête de Sonatrach. Son principal mérite est d’avoir tenté de donner un nouveau souffle à la compagnie nationale. Il s’est concrétisé par l’élaboration, dès la fin 2017, d’une stratégie baptisée « Sonatrach 2030 ». Les axes de cette feuille de route très ambitieuse ont été exposés dans une série de conférences régionales organisées en mai et juin 2018.

Les transformations initiées par Abdelmoumen Ould Kaddour dans la gestion de Sonatrach et ses relations avec les partenaires internationaux ont été saluées par beaucoup d’observateurs. Elles semblent néanmoins avoir peiné à renverser une tendance à la baisse de la production du secteur que les derniers chiffres, rendus publics récemment, ont de nouveau confirmé.

Quand Ould Kaddour fait bouger Sonatrach

La gestion de l’entreprise par M.Ould Kaddour a d’abord été marquée par le règlement à l’amiable de nombreux litiges entre Sonatrach et ses partenaires étrangers. La détermination du PDG à mettre fin à ces situations de conflits, que ses prédécesseurs n’avaient pas su ou pas pu régler, a semble-t-il contribué à restaurer, au moins partiellement, la confiance des investisseurs dans le secteur.

Elle a en tous cas favorisé une « moisson » d’accords de partenariat dans l’amont pétrolier. En 2018, plusieurs accords de partenariat importants ont ainsi été conclus avec les compagnies pétrolières Cepsa, Eni et Total.

Sous sa direction, Sonatrach a également fait avancer des projets qui semblaient figés depuis de nombreuses années dans le domaine de la pétrochimie. Cette option, qui était évoquée depuis plusieurs années, a reçu une concrétisation très claire en 2018.

Un autre domaine ou le management de M. Ould Kaddour a fait bouger les lignes est celui des énergies renouvelables. La question de l’implication de Sonatrach dans le programme national de développement des énergies nouvelles était posée dans le débat public depuis déjà plusieurs années.

Le programme déjà annoncé, début 2017, par l’ancien PDG Amine Mazouzi a été fortement réévalué sous Ould Kaddour qui a fixé un objectif de production de 1300 MW à la compagnie nationale. Des accords ont été conclus très rapidement en 2018 avec différents partenaires dont l’italien ENI et les français ENGIE et Total.

Le gaz de schiste : « On va y aller »

Le passage de M. Ould Kaddour à la tête de Sonatrach a également été marqué par des choix plus controversés. L’exploitation du gaz de schiste en fait partie. Abdelmoumem Ould Kaddour en a parlé d’une façon décomplexée. Il avait souligné en 2018 la nécessité de prendre le temps qu’il faut afin que l’exploitation du gaz de schiste «se fasse de manière professionnelle et sage ».

L’ex-PDG du groupe Sonatrach n’a pas craint cependant d’affirmer que « pour l’exploitation du gaz de schiste, on va y aller », tout en assurant que « cela se fera de façon propre, sûre et dans le souci de tout préserver ».

En début de semaine encore, c’est lui-même qui annonçait l’ouverture de négociations dans ce domaine avec le groupe américain Chevron qui vient de racheter les actifs de la compagnie Anadarko fortement implantée en Algérie.

Cap sur l’internationalisation

C’est sans complexe également que Ould Kaddour a inscrit la relance de l’internationalisation de Sonatrach parmi les nouveaux axes de sa stratégie. Une option, également controversée, qui s’est traduite spectaculairement par le rachat d’une ancienne raffinerie appartenant à l’américain Exxon en Italie du sud.

Un protocole d’accord a en outre été signé entre Sonatrach et un groupe turc, en 2018, pour installer dans ce dernier pays un important complexe pétrochimique.

Au Niger, le groupe pétrolier algérien s’apprêterait à inaugurer son premier puits de production de pétrole tandis qu’en Irak, plusieurs opportunités ont été évoquées, dont la possibilité d’exploiter des gisements pétroliers dans ce pays à fort potentiel d’hydrocarbures.

Sonatrach aurait également proposé de commercialiser des produits irakiens via sa filiale de trading à Londres, Sonatrach Petrolum Corporation.

La nouvelle loi sur les hydrocarbures toujours en préparation

Abdelmoumène Ould Kaddour n’aura cependant pas pu ou pas eu le temps de concrétiser une de ses principales ambitions. L’ancien PDG de Sonatrach plaidait clairement en faveur d’une réforme rapide du cadre juridique de l’industrie pétrolière et gazière.

« Nous sommes en train de parler avec le gouvernement dans le but d’effectuer les changements nécessaires dans la loi pour rendre le secteur plus attractif pour les investisseurs », avait-il affirmé à plusieurs reprises en 2018.

Selon différentes sources, les nouvelles dispositions de la loi en préparation portaient, entres autres, sur des incitations fiscales pour encourager les activités liées au pétrole et au gaz non conventionnels, les petits champs, les gisements dans les zones sous explorées, y compris l’offshore, mais aussi les champs à géologie complexe et ceux qui manquent d’infrastructures.

La prochaine loi sur les hydrocarbures devait prévoir également une nouvelle méthode de détermination du taux d’imposition qui reposerait désormais sur la rentabilité d’un projet plutôt que sur ses revenus ce qui permettrait aux investisseurs d’avoir un retour sur investissement à la hauteur du risque encouru.

Plus que ses choix en matière de management de la compagnie pétrolière nationale, Abdelmoumen Ould Kaddour aura finalement payé le prix de sa proximité présumée avec le clan Boutéflika. Il fait partie aujourd’hui de la vaste charrette de hauts fonctionnaires et de responsables économiques algériens du secteur public ou privé qui figurent au tout premier rang des personnalités sacrifiées sur l’autel du changement. Sans aucun doute dans le but de préserver l’essentiel.

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