Économie

Marché noir des devises en Algérie : les raisons de la flambée

C’est de nouveau la flambée sur le marché noir de la devise en Algérie. Paradoxalement, les cours officiels de l’euro et parallèle prennent des courbes opposées en Algérie.

Le dinar algérien s’est apprécié ces derniers mois face aux principales devises étrangères en banque (euro et dollar), et a perdu de sa valeur au marché noir des devises.

| Lire aussi : Tebboune lance un « dernier appel » aux barons de l’informel

Au début de l’année, l’euro s’échangeait au square Port-Saïd, principale place de change parallèle d’Alger et de tout le pays, pour 218 dinars algériens.

En un mois, il a atteint 223,5 dinars, soit 22 350 dinars pour 100 euros, comme l’a rapporté le site Destination med. Le dollar américain s’est aussi apprécié dans la même période, s’échangeant désormais pour 206 dinars l’unité.

Au cours officiel, l’euro valait jeudi 2 février 148,35 dinars et le dollar 135,08 dinars.

C’est l’objectif des autorités d’arriver à la parité entre les cours officiel et parallèle qui s’éloigne.

La double cotation du dinar est une des plaies de l’économie algérienne. Les économistes sont nombreux à appeler à mettre fin à cette situation, vecteur de toutes sortes de tricheries sur les importations et le transfert de devises vers l’étranger (fausses déclarations, surfacturation…).

La flambée en cours sur le marché des devises en Algérie est paradoxale, car elle survient à un moment de l’année où les cours devaient connaître une stabilité et une accalmie, la forte demande étant habituellement enregistrée à l’approche du pèlerinage ou de la saison estivale et les pics de voyages vers l’étranger. Pourquoi donc l’euro et le dollar enregistrent-ils des records en plein hiver en Algérie ?

Devises en Algérie : véhicules de moins de 3 ans et argent de l’informel

Ceux qui s’intéressent à l’évolution du marché des devises en Algérie soupçonnent plusieurs facteurs. Il y a certes le retour à la normale en matière de liaisons aériennes avec l’étranger, mais beaucoup de spécialistes pointent du doigt particulièrement deux annonces faites par les autorités algériennes : le retour à l’importation des véhicules d’occasion et l’appel lancé par le président de la République Abdelmadjid Tebboune aux barons de l’informel pour injecter leur argent dans les circuits officiels.

La Loi de finances pour 2023 autorise les Algériens à importer des véhicules de moins de trois ans d’âge pour leur usage personnel et sur leurs « devises propres ».

La mesure avait été introduite dans la Loi de finances pour 2020, mais elle n’a pas été mise en application à cause de son incompatibilité avec la loi sur la monnaie et le crédit concernant les modalités de transfert des paiements vers le pays d’acquisition du véhicule.

L’entrée en vigueur des dispositions de la LF 2023 le 1er janvier dernier peut bien avoir poussé de nombreux citoyens à acheter des devises sur le marché parallèle en prévision de l’importation d’un véhicule sous cette formule.

Le marché de l’automobile en Algérie connaît une forte tension et une flambée des prix depuis plusieurs années à cause du blocage de l’importation des véhicules neufs et la fermeture des usines d’assemblage.

Le retour à l’importation des véhicules d’occasion n’est toutefois pas entré en vigueur avec le reste des dispositions de la Loi de finances pour 2023. Un responsable de la direction générale des Douanes a expliqué la semaine passée à la Radio algérienne que la mise en œuvre effective de la mesure nécessitait l’élaboration d’un texte d’application.

Ce qui laisserait penser que la ruée sur la devise des potentiels acquéreurs de voitures est peut-être atténuée par cette temporisation.

L’achat de devises, seule échappatoire pour l’argent des circuits informels ? 

Il reste donc la lutte contre l’informel. Jeudi 19 janvier, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a évoqué lors de la rencontre gouvernement-walis la question de l’argent qui circule dans la sphère informelle en Algérie.

Il a de nouveau invité ceux qui détiennent des capitaux non déclarés à les injecter dans les circuits bancaires, tout en précisant qu’il s’agit du « dernier appel » qu’il lance dans ce sens.

Les propos du président ont été interprétés comme une menace de remplacer les billets de banque actuels, moyen très efficace de contraindre les gens à sortir leur argent thésaurisé en dehors des banques.

Dans le même discours, le chef de l’État a révélé qu’une seule famille détient 500 000 milliards de centimes en monnaie algérienne (l’équivalent de 37 milliards de dollars).

La petite phrase a fait, semble-t-il, son effet. Non pas que les barons de l’informel se sont rués sur les banques, mais visiblement sur les places de change parallèle pour échanger leurs dinars en euros.

C’est en tout cas l’explication la plus plausible pour la flambée en cours de l’euro, du dollar et des autres monnaies étrangères sur le marché noir des devises e en Algérie.

La réglementation algérienne interdit le paiement en liquide des grandes transactions (l’immobilier, le foncier et même les véhicules) et ceux qui détiennent d’importantes sommes non justifiées n’ont que leur conversion en devises pour les sauver en cas de remplacement des billets.

Ce week-end, la Gendarmerie nationale a annoncé avoir élucidé l’affaire de l’assassinat, en janvier à Alger, de deux jeunes venus de Bordj Bou Arreridj avec une somme de 80 millions de dinars qu’ils envisageaient d’échanger en devises.

En septembre 2021, le président Tebboune avait estimé le total des sommes circulant dans les circuits informels à 10 000 milliards de dinars, soit 90 milliards de dollars au taux de change de l’époque.

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