Politique

Marchés publics, voie royale à la corruption en Algérie

Depuis 2019, la chronique judiciaire en Algérie a été particulièrement marquée par les grands procès anti-corruption qui ont révélé l’ampleur de la corruption durant les 20 ans de règne du président déchu Abdelaziz Bouteflika.

D’anciens hauts responsables, dont deux ex-premiers ministres Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal et une vingtaine d’ex-ministres, mais aussi des hommes d’affaires comme Ali Haddad et les frères Kouninef, sont aujourd’hui en prison, après avoir été lourdement condamnés pour des faits de corruption relatifs à la conclusion de marchés publics.

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C’est ce qu’a d’ailleurs pointé, mercredi 9 juin, le procureur de la République près le tribunal de Sidi M’hamed (Alger) lors d’une conférence de presse au cours de laquelle il est revenu sur les quatre voies de la grande corruption en Algérie.

Les avantages indus accordés dans le cadre de la conclusion des marchés publics est la raison principale qui conduit à la corruption et au détournement des deniers publics, selon le procureur.

« La source de la corruption ce sont les marchés publics »

« Quand on analyse les affaires présentées au Pôle économique et financier, et en les examinant bien on s’aperçoit que la source de la corruption ce sont les marchés publics », a révélé le procureur de la République près le tribunal de Sidi M’hamed.

« En approfondissant cet examen, a-t-il poursuivi, on conclut que la corruption trouve son origine dans l’étude de ces marchés ». Des études qui comportent souvent des failles qui sont autant de « portes largement ouvertes » à la prévarication, a-t-il expliqué.

Dans certaines affaires qui ont été présentées au Pôle financier et économique, a-t-il poursuivi, il a été constaté que dès que les travaux de réalisation d’un projet attribué dans le cadre d’un marché public commencent alors que l’étude n’est pas complète, l’entreprise ayant bénéficié du projet a recours à des entourloupes aboutissant à la conclusion d’avenants (audit marché), ouvrant par la même occasion les portes de la corruption.

Les avenants en question concernent à la fois la nature du projet en lui-même, sur les travaux et aussi la durée ; tous ces « artifices » facilitent à ces parties de commettre un crime de corruption, a ajouté le procureur.

Marchés publics : les « casseurs » de prix

La méthode est connue : avec des études bâclées, des entreprises algériennes et étrangères se retrouvent obligées de refaire les études, et de modifier les contrats de réalisation, avec des avenants, ce qui renchérit considérablement les coûts des projets.

Cette méthode est souvent utilisée par ce qu’on appelle les « casseurs » de prix. Explication : une entreprise fait une soumission à un marché public, et pour l’obtenir, elle propose une offre financière basse pour décrocher le contrat.

Ensuite, il profite des failles de l’étude qui est souvent bâclée pour faire signer des avenants et augmenter considérablement le coût de la réalisation. En Algérie, les marchés publics sont souvent accordés aux entreprises moins-disantes financièrement.

Une méthode appliquée souvent avec la complicité de l’administration. Elle a permis aux entreprises étrangères notamment de s’accaparer le marché algérien du BTP, au détriment des entreprises algériennes.

Les « privilèges » accordés dans le cadre de la conclusion de marchés publics ne sont pas les seuls en cause dans la pratique de la corruption en Algérie. Il y a aussi la mauvaise utilisation de la fonction par les commis de l’État, a indiqué le procureur de la République.

En termes de proportion, le mauvais usage de la fonction représente 27,6 % des affaires traitées, a-t-il illustré. En troisième position, la dilapidation des deniers publics est l’autre facette de la corruption, avec une incidence quasi-similaire avec le mauvais usage de la fonction, c’est-à-dire, 27,5 % du nombre d’affaires examinées.

La dissimulation des rentrées issues de la corruption vient en 4e position avec près de 6 % du total des affaires traitées par le Pôle financier et économique. « Les avantages octroyés dans le cadre de la conclusion de marchés publics restent la base de la corruption », insiste le procureur de la République, dès lors que par effet mécanique ce crime permet au fonctionnaire d’utiliser sa fonction, donnant lieu à une dilapidation d’argent public et ainsi sa dissimulation.

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