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« Mon cœur brûle » : chez les Algériens de France, le sentiment de rater le train de l’Histoire

« Mon cœur brûle » : chez les Algériens de France, le sentiment de rater le train de l’Histoire

TSA

Ces cortèges festifs et colorés qui parcourent les rues des villes algériennes, suscitant le respect des observateurs internationaux, ont soulevé des bouffées de fierté chez les nationaux établis à l’étranger. Enfin, ils ne sont plus la risée, l’objet de quolibets. Cette fierté qui a parcouru leurs veines les a aussi étreints d’une certaine tristesse. D’une certaine frustration. Comme s’ils manquaient un rendez-vous avec l’Histoire. TSA a recueilli leurs témoignages. Écoutons-les :

Ama, conseillère d’éducation à Paris, 34 ans : « Je me sens triste de passer à côté de l’Histoire. Je croyais en nous mais pas aussi tôt et aussi beau. J’ai mal car certains compatriotes mettent notre patriotisme en doute. L’Algérie nous apprend l’amour, l’union et le sacrifice. Je l’aime plus que ma mère ».

Warda, artiste à Paris : « Je regrette vraiment d’avoir quitté le pays. On nous a poussés à nous exiler, à tout abandonner. Mais je ne rate jamais ce qui s’y passe. Je suis tout le temps sur les réseaux sociaux pour suivre les direct de mes anciens collègues.  J’ai le cœur qui brûle ».

Ramdane, Lyon : « Je suis rentré en Algérie en 1989 juste après l’ouverture démocratique. J’y croyais vraiment. J’ai milité au RCD. En 1992, je ne suis pas parti. Je suis monté au village et j’ai organisé l’autodéfense. Je suis resté en Algérie jusqu’en 2017, dépité et je suis reparti avec la ferme intention de ne plus y revenir. Et là, 30 ans après, je revis à 64 ans… un énorme espoir pour mon pays et pour les jeunes d’aujourd’hui ».

Bassorah, Paris : « Le seul endroit où j’ai envie de me retrouver en ce moment c’est à Alger auprès des miens comme dans le temps, être présente dans ce moment décisif pour le pays, être dans la rue, crier son indignation. Ces moments de grande complicité sont émouvants.

Nora, institutrice en Seine-Saint-Denis : On est en apnée. Peut-être qu’il y a un petit espoir que ça tourne bien du fait que l’Europe n’a pas intérêt à une prise de pouvoir par les intégristes qui donnerait une arrivée massive de migrants comme après les événements de Libye. Ils vont peut-être essayer la démocratie ce coup-ci ».

Dalila, Paris : « Mon cœur brûle. J’ai tellement envie d’être là-bas. Malheureusement, je ne peux pas bouger à cause de ma fille. Mon point de vue a changé envers le peuple algérien. Je désespérais de lui. J’ai repris espoir ».

Warda, Marseille: « Je reste accrochée à mon téléphone, rivée sur les réseaux sociaux. Je tourne chez moi comme un lion en cage et à la moindre photo ou vidéo je pleure de larmes de fierté, de joie, d’angoisse également de crainte que cela ne bascule. Mais je suis si fière si fière des miens et de mon peuple, de nos enfants, de notre jeunesse. Tahia bladna, tahyia  El-Djazayer, yahia chaabna. Dimanche, j’irai manifester à Marseille ».

Dahlia, Lyon: « Tous les jours je regarde le prix des billets d’avion pour essayer d’y aller. Aujourd’hui, j’aurais voulu être sur les Champs-de-Manœuvre.  Je me sens frustrée. Je compense en regardant la chaîne de télévision El Magraribya. Ce mouvement est formidable. Il était silencieux. Il est sorti pacifiquement.  Les images les plus fortes sont venues des jeunes. Les appels des jeunes se sont exprimés sur internet pas à la télévision. Avec beaucoup d’humour, ils ont su appeler à une révolte populaire et en très peu de temps. J’aime beaucoup les slogans qui ont été entonnés. Ils n’ont pas été préparés. Mais ils contiennent  de l’humour et un sens artistique.

La conscience de la jeunesse se manifeste aussi dans son refus du 5e mandat mais aussi de tout le système. Les jeunes ne sont pas dupes. Ils ne veulent pas qu’on leur sorte un lapin du chapeau au dernier moment en remplacement du cadre ».

Ouda, Montpellier : « Je suis frustrée. D’autant plus que j’ai essayé de rentrer cette semaine. Mais je n’ai pas trouvé de place dans les vols. Je vais me regrouper avec quelques amis dimanche à Montpellier ».

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