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Pétrole : « Il faut se préparer à des prix qui resteront au-dessous des 30 dollars »

Pétrole : « Il faut se préparer à des prix qui resteront au-dessous des 30 dollars »

Quel est l’impact de la crise pétrolière sur les investissements dans le secteur des hydrocarbures en Algérie et sur celui des énergies renouvelables ?

Tewfik Hasni, expert en pétrole. C’est avec des accents churchilliens que le PDG de Total Patrick Pouyanné s’est adressé aux salariés de Total le 23 mars. Il a expliqué par vidéoconférence que le pétrolier français se trouvait face « à un trou de 9 milliards de dollars » et que, pour y faire face, il allait devoir réduire ses investissements de 20%, doubler son plan d’économies à 800 millions, suspendre le plan de rachat d’actions (1,5 milliard) et geler la plupart des recrutements. Exxon-Mobil, Shell, BP, Chevron, ENI… ont annoncé des mesures équivalentes, voire plus rigoureuses. »

Vous pouvez après cela comprendre que l’accès au financement pour les hydrocarbures va être très difficile pour certains et certainement impossible pour notre pays.

Les énergies renouvelables s’inscrivant dans une politique de développement durable et dans la sécurité d’investissement ont encore une chance. La bonne gouvernance sera indispensable. Des réformes sérieuses libérant les investissements du contrôle de l’administration seront nécessaires. Les valeurs qui doivent soutenir cette nouvelle vision de notre développement deviennent : l’altruisme, la sobriété, le partage avec en finalité l’équité.

Toutes les compagnies ont revu à la baisse leurs prévisions d’investissements à cause de la crise alors que l’Algérie vient de modifier la loi sur les hydrocarbures pour attirer plus d’investisseurs. Comment le pays s’y prendra-t-il ?

Vous remarquerez que toutes les compagnies pétrolières, en premier Total, ont compris qu’il fallait instaurer plus d’austérité dans leur fonctionnement. Elles adoptent une position de survie. Elles préparent la transition énergétique en investissant dans les énergies renouvelables. Le pays, en ouvrant les yeux sur notre véritable potentiel énergétique qui est le solaire, devrait suivre l’exemple des autres pays. Un pays comme la France abandonne le nucléaire au bénéfice des énergies renouvelables et le solaire en particulier. Elle ne fait que suivre la voie tracée par les autres pays européens.

Au moment où il faut se positionner sur le seul marché crédible à long terme, celui de l’électricité, vous ne pouvez pas tergiverser. Les marchés de l’horizon à 5 ans se décident aujourd’hui. La rente pétrolière est finie quoiqu’en disent certains. Nous n’avons aucun potentiel à l’export que celui de l’énergie et de l’électricité en particulier. Nous pouvons viser des revenus de plus 40 milliards de dollars US à l’horizon 2030-2040. Les opportunités sont là, les financements seront disponibles dans le monde d’après le covid-19.

Un pétrole pas cher est-il nocif au renouvelable ?

Le pétrole pas cher est d’abord nocif à la planète. Le pétrole de schiste en particulier. On vient de mesurer les fuites de gaz dans l’exploitation des gisements de schistes. Elles étaient de 18 milliards de pieds cube par jour. Steven Hamburg, scientifique en chef au Environmental Defence Fund (EDF), qui a noté que le méthane perdu était suffisant pour fournir de l’énergie à 2 millions de personnes dans les ménages. Il peut-être, aussi, nocif pour les renouvelables, dans la mesure où tout repart comme avant. Nous ne pensons pas que cela soit possible. On s’accorde plutôt à dire que plus rien ne sera comme avant.

Le ministre de l’Énergie a suggéré que les cours du pétrole vont connaître une augmentation à partir du début de l’application de l’accord de réduction de production des pays OPEP+ parallèlement à une reprise économique graduelle qui sera encouragée par le déconfinement suite à la crise sanitaire du coronavirus. Ce scénario optimiste est-il possible ?

Nous pensons que le ministre s’était appuyé sur des informations qui n’étaient pas actualisées. Les Saoudiens vont être obligés de réduire la production sur le champ principal, celui de Ghawar, car les stocks sont pleins. Même les cargos ont été utilisés. Bloomberg prévoit que dans 2 à 3  semaines, les stocks maxi seront atteints. Nous constatons que le surplus de production est toujours maintenu. Nous avons noté l’écroulement de l’économie mondiale. La reprise liée à la maîtrise du Covid-19 et ses nouvelles mutations n’est pas prévue pour cette année et même possible pas pour l’année prochaine.

Il faut se préparer à des niveaux de prix qui resteront au-dessous des 30 dollars le baril. Il y a lieu d’avoir une réactivité plus grande pour faire face à cette situation et comprendre que rien ne sera comme avant.

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