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Présidentielle française : l’Algérie a choisi son camp

Présidentielle française : l’Algérie a choisi son camp

Elle a beau être la cible d’attaques pendant toute la campagne et la pré-campagne électorale, l’Algérie demeure une donne importante dans l’équation de la présidentielle française.

Les deux candidats en lice pour le second tour sont conscients que, quoique minoritaires, les Français d’origine algérienne peuvent faire basculer le résultat de l’élection.

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Les sondages donnent Emmanuel Macron vainqueur mais avec une faible avance, ce qui fait que l’issue du scrutin est incertaine et Marine Le Pen a toujours ses chances.

Cette dernière s’est montrée pendant ces derniers mois moins virulente à l’égard de l’immigration, particulièrement celle d’origine algérienne, que l’autre candidat de l’extrême-droite, Éric Zemmour.

Ses déclarations sur la question, concernant notamment la réadmission des clandestins, ne sont pas trop différentes de celles de certains candidats de la droite traditionnelle.

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Cela procède certes de l’entreprise de « dédiabolisation » et de «  normalisation » du Rassemblement national, ex-Front national fondé par Jean-Marie Le Pen, entamée depuis plusieurs années, mais il s’agit sans doute aussi d’une manière de soudoyer l’électorat d’origine algérienne et plus largement les musulmans de France. Au premier tour, 7% de ces derniers ont voté pour Marine Le Pen.

Les déclarations qu’elle a faites cette semaine ne laissent pas de doute quant à sa stratégie. Mme Le Pen a tenu à éclaircir les « malentendus possibles » quant à sa « vision de la relation franco-algérienne », assurant que son objectif était « d’entretenir des relations amicales avec l’Algérie.

« Je souhaite nouer des relations amicales avec le peuple algérien parce que c’est notre intérêt mutuel », a-t-elle tranché. Son insistance sur la question de la réadmission des clandestins ne la distingue pas de la part des autres candidats.

Le président Emmanuel Macron lui-même a décidé en septembre dernier de réduire de moitié le nombre de visas aux ressortissants des pays maghrébins pour amener leurs dirigeants à délivrer les laissez-passer consulaires qui permettent la reconduire aux frontières des clandestins.

Mais contrairement à Macron et aux autres, Marine Le Pen trahit par ses propos sa vision de la relation franco-algérienne, réduite presque à la seule question des visas et de l’immigration, légale ou pas.

Il lui est aussi difficile de faire oublier à l’électorat qu’elle courtise qu’elle est la fille de son père, Jean-Marie Le Pen, fondateur du Front national autour des nostalgiques de l’Algérie française et qui est allé jusqu’à justifier la torture pratiquée en Algérie par l’armée française.

Emmanuel Macron plus à l’aise

La tâche est moins ardue pour Emmanuel Macron. Après la grave crise qu’il a déclenchée par ses propos tenus en septembre 2021 sur la nature du système algérien et l’existence de la nation algérienne avant la colonisation française, le président français a entamé un retour à la normale progressif des relations franco-algériennes dès octobre-novembre.

Il ne s’est certes pas déplacé en Algérie à l’occasion de cette élection -ni lui ni aucun autre candidat, une première- mais il a dépêché son ambassadeur à la Méditerranée, le franco-algérien Karim Amellal, à Alger où il a notamment déclaré dans un entretien à TSA que « le président Macron aime l’Algérie et les Algériens ».

Entre les deux tours, c’est le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian qui a effectué une visite surprise dans la capitale algérienne.

En 2017, c’est à partir d’Alger, où il a qualifié le colonialisme de « crime contre l’humanité », qu’Emmanuel Macron, alors candidat à l’Elysée, a lancé son entreprise de « réconciliation des mémoires » qui marquera tout son mandat, avec l’élaboration du rapport Stora et la multiplication des gestes de reconnaissance envers toutes les parties de la guerre d’Algérie.

Le président Macron avait besoin de signaux d’Alger pour la communauté algérienne en France. En trois jours, il a eu deux signaux envoyés par Alger. Le premier est venu du président du Conseil de la nation (Sénat) Salah Goudjil. Mercredi, il a eu un entretien téléphonique avec son homologue français Gérard Larcher.

Un communiqué publié par le Conseil de nation a indiqué que les présidents des  sénats algérien et français ont convenu de la nécessité de faire preuve de « vigilance et de davantage de sincérité » afin de « dépasser les parties et les lobbies des résidus du colonialisme qui tentent de brouiller toute tentative de rapprochement dans les relations entre les deux pays ». L’allusion à l’extrême droite est limpide.

Le second signal a été envoyé vendredi par la Grande mosquée de Paris, dirigée par l’Algérien Chems-Eddine Hafiz, qui a appelé à voter pour le président sortant au second tour, ce qui traduit plus une volonté de faire barrage à l’extrême-droite, plus que jamais aux portes du pouvoir en France, qu’un ralliement au programme d’Emmanuel Macron. Au premier tour, la même institution a appelé à barrer la route au polémiste Éric Zemmour, finalement éliminé avec 7% des voix.

S’il est minoritaire pour faire élire le président de la France, l’électorat musulman peut néanmoins peser sur l’issue du scrutin. Jean-Luc Mélenchon a réalisé un excellent résultat (3e avec 22% des voix) grâce en partie au vote des musulmans qui ont voté à 69% pour lui, selon un sondage effectué au lendemain du premier tour.

Si les relations entre Alger et Paris ont été difficiles durant la dernière année du premier mandat de Macron, elles pourraient se détériorer gravement si Marine Le Pen accède au pouvoir le 24 avril en France. La situation de la communauté algérienne dans ce pays risque de souffrir si la candidate de l’extrême droite devient présidente de la France. Entre les deux candidats, le choix est presque évident pour l’Algérie. 

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