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Soudan : les combats signent l’échec du dernier « printemps arabe »

Les deux principales composantes des forces armées soudanaises, l’armée régulière et les Forces de soutien rapide (FSR) s’entretuent depuis samedi 15 avril, sur fond de désaccords entre leurs chefs respectifs, les généraux Abdulfatah Al Burhan et Mohamed Hamdane Dagolo, dit Hemidti.

En 24 heures d’affrontements, 56 civils et des dizaines de militaires ont été tués, selon des sources médicales locales.

Des craintes sont exprimées au Soudan et à l’étranger de voir le conflit, né d’un « différend » entre les deux généraux, dégénérer en guerre civile. Ce serait, le cas échéant, le quatrième pays arabe à sombrer dans le chaos après l’espoir suscité par les « printemps » arabes.

Le Soudan a connu une longue période d’instabilité et  trois guerres civiles depuis les années 1950, deux avec le sud (1955-1972 et 1983-2005) et une avec les rebelles du Darfour, débutée en 2003 et toujours en cours. La guerre avec le sud a débouché sur l’indépendance de cette province en 2011 et la partition du Soudan, jusqu’alors plus grand pays d’Afrique, en superficie.

Le pays a été dirigé pendant trente ans par Omar Hassan Al Bachir, arrivé au pouvoir en 1989 suite à un putsch. C’est un autre coup d’Etat qui l’a évincé du pouvoir en 2019, suite à des manifestations massives des Soudanais réclamant le changement et la démocratie.

Le « printemps » soudanais a suscité un réel espoir de changement après 30 ans de dictature militaro-islamiste et des décennies de guerres civiles. Mais les choses ne se sont pas passées comme prévu. Militaires et civils se sont entendus pour le partage du pouvoir pendant une période de transition de 3 ans qui devrait déboucher sur des élections libres et démocratiques.

A l’approche de l’échéance, le calendrier a été remis en cause. En octobre 2021, l’armée a pris le pouvoir et arrêté le Premier ministre civil Abdallah Hamdok.

Soudan : les « printemps » arabes ne sont pas faits pour réussir

En novembre de la même année, un nouveau Conseil de souveraineté de transition est formé. Il est dirigé par Abdulfatah Al Burhan, chef de l’armée régulière, et Mohamed Hamdane Dagolo qui dirige une force paramilitaire constituée pour mater la rébellion au Darfour, les Forces de soutien rapide.

Samedi 15 avril, les deux forces se sont affrontées à l’arme lourde dans les rues de Khartoum. C’est peut-être le début d’une autre guerre civile dans ce pays.

Les observateurs imputent les affrontements en cours à un désaccord entre les deux hommes sur les modalités d’intégration des FSR dans l’armée régulière.

Mais pour beaucoup d’analystes, le problème dépasse un simple désaccord entre deux généraux rivaux sur des modalités techniques. Il y aurait au moins des visées de prise du pouvoir de part et d’autre et sans doute aussi des interférences de puissances mondiales et régionales à des fins d’influence économique et géostratégique dans ce pays aux ressources naturelles importantes mais classé parmi les plus pauvres au monde.

Les grands médias arabes et internationaux qui médiatisent à outrance les déclarations de l’un ou l’autre protagoniste depuis samedi pourraient constituer un début de réponse sur le rôle des uns et des autres dans ce qui se passe au Soudan.

L’une des premières grandes décisions des autorités de transition a été d’engager des pourparlers avec Israël, qui ont abouti à un accord de normalisation en octobre 2020.

Trois autres pays arabes, les Emirats arabes unis, Bahreïn et le Maroc avaient normalisé leurs relations avec Israël la même année.

Quoi qu’il en soit, et quelle que sera l’issue du conflit en cours, il reste un fait indéniable : les « printemps » arabes ne sont pas faits pour réussir et déboucher sur la démocratie.

De tous les pays arabes qui ont eu leur « printemps », aucun n’émarge aujourd’hui au registre des démocraties.

La Syrie et le Yémen sont détruits, la Libye est quasiment divisée, l’Egypte est retombée dans la dictature et l’illusion tunisienne n’a pas fait long feu. Avec ce qui se passe au Soudan depuis 2019 et particulièrement depuis le 15 avril 2023, il n’y a même plus d’exception à la règle.

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