search-form-close
Tamazight, indépendance de la Kabylie, retour en Algérie : entretien avec Idir

Tamazight, indépendance de la Kabylie, retour en Algérie : entretien avec Idir

DR
Le chanteur Idir sera en concert demain et après-demain au complexe olympique Mohamed Boudiaf - Alger

Idir sera en concert jeudi et vendredi à la Coupole du complexe Mohammed Boudiaf à Alger. Ce concert, le premier en Algérie depuis 1979, se déroulera en sold out puisque tous les tickets, presque 10.000, ont été vendus après trois jours seulement de mise en vente. TSA a rencontré Idir à quelques heures du concert. Interview.

Comment se présente la préparation du concert prévu ces 4 et 5 janvier à Alger ?

Le concert se prépare bien. Nous avons avec nous un super musicien Mehdi Ziouche qui a pris à bras le corps toute l’harmonie et les arrangements. Il nous a fait un travail qui, pour moi, est exceptionnel. Moi qui suis déjà acoustique, je constate qu’il n’a pas trop dévié. Peut-être qu’il y a un peu trop de métal et de cordes à mon goût mais ça ne gêne pas l’esprit de la chanson. L’esprit de la chanson, c’est moi qui le donnerai. Mais je vais tout de même voir après le filage de mercredi (à la veille du concert) pour voir s’il y a lieu de ramener quelques petites rectifications.

Mehdi Ziouche a donc introduit quelques arrangements…

Oui, il sait bien faire cela. Il joue avec moi, il connait notre musique. Je pense que j’ai fait le bon choix.

Et combien avez-vous retenu de chansons de votre vaste répertoire ?

D’abord, il y aura une chorale de jeunes filles de mon village (Aït Lahcène à Beni Yenni) qui va interpréter deux ou trois chansons à moi. Ces chansons seront obligatoirement retirées du récital. Je vais garder un certain équilibre, on peut s’arrêter à dix-sept chansons, par exemple. Le choix des chansons s’est fait en fonction de ce que j’ai laissé en Algérie. Des chansons de l’époque qui, me semblent avoir bien marché. Je ne vais pas leur faire le dernier album (« Ici et ailleurs », 2017). Certains vont aimer mais le but est de faire plaisir à un maximum de gens. Et si vous voulez leur faire plaisir, il faut alors chanter « Avava Inova », « Sendou », « Zwit rwit », « Azwaw », « Cfigh »,  etc.

Des surprises ?

Non. De toute façon, si je vous le dis, ça ne sera pas une surprise (rires).

Qu’en est-il de la chorale de votre village?

La chorale se produira en fait en première partie du concert. Ramener la chorale de mon village est la moindre des choses. Ces jeunes filles interprètent déjà des chansons du pays et du répertoire international comme les chansons de Michael Jackson. Je me suis dit qu’il fallait leur donner une chance. La plus âgée d’entre elles n’a même pas 18 ans. C’est cela qui est exceptionnel. C’est vraiment tout pour la musique. Il n’y a pas de contexte politique ou religieux, ça n’existe pas.

Uniquement la musique…

C’est ce qui nous fait vivre, non ? Parce que la politique est un métier à part. On peut la faire à titre privé alors que la religion, c’est entre Dieu et vous.

Un acte individuel

C’est une question de conviction personnelle. D’ailleurs, en arabe, on dit : « Binek ou bin moulak ». Et en kabyle, il y a un proverbe qui dit la même chose.

Les chanteurs peuvent-ils faire de la politique ?

Et ben, s’ils estiment qu’il faut en faire, ils ont peut-être leurs raisons. Je peux avoir des convictions politiques, mais je n’ai pas à les claironner dans la nature. Il existe des gens qui sont dans la politique et qui peuvent mener d’autres gens vers des cieux plus clairs. Ce que je sais est que dans l’état actuel de ma psychologie et dans ma vie, il n’y a rien au-dessus de mon identité. Je peux le clamer haut et fort. Indépendamment de tout le monde, je suis amazigh et je le resterai. Cela ne me donne pas le droit d’occulter les autres et de ne pas faire des choses ensemble parce que moi aussi, je suis un algérien convaincu, et je traîne cela depuis des années.

Vous êtes connu pour être un homme, un artiste, un rassembleur…

Si les gens m’écoutent et que je ramène autant de monde en trois jours de mise en vente de billets, c’est qu’ils attendent de moi quelque chose, je suppose. Je n’ai pas envie de les induire en erreur, en disant c’est cela, et pas autre chose. Ils me font le plaisir et l’honneur de m’aimer. Ils me rejoignent. On fait un bout de chemin ensemble.

Idir est un artiste qui combat pour son identité d’une manière apaisée et calme. Est-ce la meilleure voie pour se faire entendre ?

Il n’y a pas d’autres méthodes. À quoi sert-il de brusquer les choses ? Pourquoi aller vers la brutalité alors que cela ne règle rien ? Je suis algérien parce que le concept de l’algérianité est important pour moi mais je ne laisserai personne mettre fouler du pied mon identité. Je veux cultiver mon identité. Je veux qu’elle soit belle indépendamment de celui qui est en face, adversaire ou ennemi, même si je n’ai pas d’ennemis. Mon identité fait partie de ce pays. Personne n’a le droit de l’enlever, de l’occulter et surtout de la diminuer.

Qu’en pensez-vous des appels à la division relative justement aux revendications identitaires, entendus ici et là ?

On arrive à un moment où on n’a pas été écouté pour certains. Ceux-ci disent : nous n’avons rien à faire ensemble. Et si nous n’avons rien à faire ensemble, il faudrait se séparer. Ce qui peut ne pas paraître normal mais qui trouve une logique. S’ils revendiquent cela, c’est, quelque part, il y a un besoin qui peut créer une révolte. Et cette révolte, il faut l’assumer. Maintenant, à côté de cela, il faudrait dire qu’il existe peut-être des gens qui viennent avec d’autres intentions, qui n’ont rien à avoir avec cette revendication légitime. Là, ça va être difficile. Moi, je suis kabyle, évidemment fier, je veux, au regard du respect que je dois à mes ancêtres, à ma grand-mère, à mon grand-père, à mon père, à ma mère, magnifier cette identité et dire qu’elle est toujours là avec ou sans vous. Aujourd’hui, j’ai les moyens de vivre mon identité sans que vous puissiez intervenir dans ma vie. J’aurais aimé que la plupart des gens soient comme cela.

Pensez-vous qu’il existe des évolutions par rapport à la question identitaire en Algérie surtout que tamazight est devenue langue nationale et officielle dans la Constitution ?

Il y a des pas pour être précis. Vous ne pouvez pas me donner un passeport aujourd’hui marqué République algérienne démocratique et populaire, nationalité algérienne, et dénier à ma culture et à mon identité le fait de l’être. C’est une contradiction. Malheureusement, les gens rentrent souvent dans une confrontation alors qu’on peut arriver à légitimer cette culture d’un point de vue national ou bien officiellement sans avoir à recourir à des méthodes violentes.

Quant à l’indépendance de la Kabylie, chacun la voit à sa manière. La seule question que je me pose : que va-t-on faire une fois indépendants, si cela arrive ? Existe-t-il un cahier de charges préparé au préalable ? Est-ce que le concert des nations va-t-il adapter une position plus ou moins sereine sur cette histoire d’indépendance ? Est-ce que cette histoire d’indépendance est viable dans la mesure où une petite partie du territoire algérien se sépare en laissant les richesses énormes dans les hydrocarbures, les sous-sols, l’agriculture ou autre ?

Beaucoup de membres de nos familles sont morts pour ce pays, on va dire cet idéal. Cet idéal porté par des gens qui ont vu dans cet espace algérien la possibilité de recouvrer une liberté extraordinaire. Il s’agit d’autant de questions qu’on se pose. Ceux qui veulent l’indépendance de la Kabylie, j’aimerai bien qu’ils me dressent un état des lieux, un canevas et une procédure qui permettent de sortir de l’isolement. Ce n’est pas l’indépendance de la Kabylie qui me gêne en soi. Si demain je constate que cette indépendance était liée au sort de mes enfants pour qu’ils soient heureux, je n’hésiterais pas une seconde. Mais, là, l’Algérie n’est-elle pas une entité viable, auquel cas la Kabylie lui sera rattachée d’une manière fédérale ? Ou bien, on dira « Je suis kabyle, je veux être seul ». Cela pose un certain nombre de questions aussi auxquelles il faudrait trouver des réponses. D’abord, vous serez seuls à décider de l’avenir, vous serez amenés à faire des alliances, à faire de la géostratégie. Qui viendra vous épauler ? Marcher avec vous ? Cela va-t-il plaire au concert des nations, aux grandes puissances, aux pays méditerranées qui n’ont pas envie de voir X ou Y venir semer le trouble ? Moi, j’ai envie de garder une Algérie saine mais qui doit comprendre certaines choses.

Il faut continuer à vivre, à nous enrichir de nos différences et à faire en sorte que ce pays soit le plus beau possible.

Que faut-il donc faire pour que la pluralité identitaire et que l’amazighité soient concrètement consacrées ?

J’ai parlé tout à l’heure de pas. Un pas, c’est tamazight langue nationale. Un pas immense, c’est langue officielle. Mais, on ne peut pas parler de langue officielle en parlant en même temps de langue d’État qui sera toujours là. C’est la suprématie d’une langue par rapport à une autre. Si tamazight est officielle, elle n’a pas à être au-dessus ou au-dessous, elle est avec. Il faut avoir le courage de le dire. L’enseignement de tamazight est une mascarade.

Comment ?

La méthode est stupide. Des gens sont prêts à travailler sur la langue. En quoi va-t-elle gêner ? Non, parce qu’il faut toujours la suprématie d’une langue par rapport à une autre. Je ne peux pas accepter cela.

Il faut donc revoir l’enseignement de tamazight en Algérie ?

Il faut tout revoir. Où est cet enseignement ? Qu’est-ce qu’on fait avec cette langue ? Rien pour l’instant. Rien de spécial. Il ne peut pas y avoir d’évolution, parce qu’on ne donne pas les moyens à tamazight de s’exprimer ou d’être enseignée. Il ne faut pas nous dire que la langue arabe est là pour souder. Aucune langue ne peut souder quoi que ce soit, si elle n’est pas émotionnellement viable. La langue arabe, pour moi, ne l’est pas parce qu’elle hérite de plusieurs visages qui ne reflètent pas la réalité de l’Algérie. Cela dit, je ne suis pas contre la langue arabe.

Pensez-vous qu’une Académie de la langue amazighe, telle que prévue dans la nouvelle Constitution de 2016, va-t-elle aider à améliorer le statut de cette langue ?

Pour l’instant, il y a un peu d’esbroufe là-dedans. Que va-t-elle ramener d’autre que le HCA n’amène pas ? Ce n’est pas une Académie qu’il nous faut, mais une langue à parler, à enseigner et à laquelle il faut donner les moyens.

Une langue avec toutes ses variantes…

Mais bien sûr. Au bout du compte, le kabyle que je suis avec le chaoui et le targui, trouveront un terrain d’entente pour échanger. Si vous regardez la chaîne 4 (canal en tamazight de l’ENTV), vous constatez l’existence de débats où les gens parlent en chaoui, en kabyle, en arabe, cela ne les empêche pas de se faire comprendre. Il faut aller dans ce sens.

Vous avez grandement contribué à la modernisation de la chanson kabyle depuis les années 1970. Comment la trouvez-vous aujourd’hui ?

La chanson kabyle évolue comme elle peut. Beaucoup de gens signent des textes militants qui rejaillissent souvent sur ceux qui les font. Et il y a des gens qui utilisent ces textes militants pour les appliquer dans leurs vies. Certains chanteurs sont convaincus. Ferhat (Mehenni), par exemple, est allé jusqu’au bout de son âme dans certaines choses parce qu’il a souffert dans sa chair. Il n’est plus à prouver que ce garçon est intimement convaincu que tamazight est la clef pour le bonheur des kabyles.

Qu’en est-il des jeunes chanteurs d’expression kabyle ?

Les jeunes sont conscients de leur amazighité. Il y a des jeunes qui essaient de donner le change en préparant des chansons amazighes contestataires qu’ils prennent à bras le corps. Il y a aussi des suiveurs qui n’amènent rien. Mais, « kheltha tessfa » comme on dit, doucement, les choses vont prendre un ordre plus apaisé et plus intelligent.

N’existe-t-il pas un certain reflux de la chanson kabyle par rapport à d’autres genres de chansons algériennes ?

Peut-être qu’il faut penser autrement cette chanson parce que si nous n’arrivons pas à nous imposer, c’est qu’il y a un problème quelque part. Le Raï est ce qu’il est. On n’aime ou on n’aime pas. La plupart des chanteurs de Raï ont des voix magnifiques. Et la plupart des musiques sont entraînantes. Elles ont quelque chose qui n’existe pas dans la chanson kabyle. Les chanteurs Raï sont décomplexés. Ils ne s’accrochent pas obligatoirement à une arabité ou une kabylité. Ils donnent libre cours à leur interprétation et à leur musique. Vous ne pouvez pas assister à un spectacle amazigh sans vous identifiez à celui qui chante devant vous sur scène. Il va vous chanter des choses que vous soutenez. Des choses que vous vivez, des souffrances que vous avez, des espoirs que vous avez et des combats que vous menez.

Tandis que dans la musique Raï, les gens vont aux concerts pour consommer. Ils dansent sans se soucier parfois de celui qui chante sur scène. Ils sont là pour danser, pas pour s’identifier à quelque chose. On n’écoute pas Khaled, qui est un excellent chanteur, pour dire demain nous allons prendre La Bastille (Révolution). Par contre, vous ne pouvez pas écouter Matoub Lounes ou Aït Menguelet sans prendre en compte leurs textes et les messages qu’ils divulguent.

Pour le Raï, vous avez chanté avec Mami et avec Khaled…

Pourquoi pas ! Mami a fait un excellent arrangement avec un musicien breton qui lui a fait une magie au niveau du swing (pour la chanson en duo « Azwaw »). C’est très beau. Et quand vous placez une chanson à l’intérieur, ça marche tout seul. Khaled a repris un titre à moi, mais d’une manière plus verticale, c’était plus rythmé (« El Harba wine »). Avec Mami, il y avait de la recherche. Le côté celtique a apporté énormément. Sinon, j’ai chanté avec plaisir avec ces deux artistes.

Avez-vous prévu des duos lors du concert d’Alger ?

Non. Nous n’aurons pas le temps de faire beaucoup de choses. Nous avons invité des chanteurs tels qu’Aït Menguelet, Akli Yahiaten et Kamel Hamadi ainsi que des chanteurs arabophones. La liste des invités est au niveau de l’Onda (Office national des droits d’auteurs)

Il y a eu des critiques sur votre venue en Algérie pour y animer des concerts. Pourquoi ?

Je suis ma route. Je sais où est mon idéal. Je sais d’où je viens et je sais où je vais. Les gens critiquent, c’est leur droit.

Qu’est-ce qui gêne dans ce concert d’Alger ?

Je ne sais pas. Moi, de toute façon, je le fais. Je suis un artiste, si tant est que je puisse m’attribuer cette qualité, qui revient dans son pays pour chanter devant le public de son pays. C’est déjà complet. Cela veut dire qu’il existe un engouement. Maintenant, si les gens ne sont pas contents qu’ils le chantent, qu’ils le disent, et puis, ça s’arrête là. Je continue mon petit bonhomme de chemin. Celui qui ne veut pas venir, je ne le force pas à m’accompagner.

Vous avez déclaré quelque part que « Ici et ailleurs » était probablement votre dernier album ? Pensez-vous à faire un nouvel album ?

Aucune idée ! Aujourd’hui, les moments sont assez durs, je commence à vieillir. Que voulez-vous que je raconte après tout ce que j’ai dit ?

Avez-vous tout dit ?

Écoutez, j’ai parlé de mon identité, de mon pays, de nos traditions. J’ai parlé des partages que l’on fait avec d’autres et comment on peut s’enrichir à partir de nos différences respectives. Je ne peux pas vous dire que demain à 7h15, je prends un stylo et je commence à écrire. Je ne sais pas ce qui va sortir. Je suis venu à la chanson, pas par vocation, mais parce que j’étais révolté. Je voulais que mon identité soit prise en compte. C’était mon principal mobile. Mais la route est encore longue. Je ne sais pas si j’ai la santé de pouvoir encore continuer.

Est-ce que la transmission est faite sur le plan musical ? Existe-t-il une relève dans le domaine de la chanson ?

Là aussi, je ne sais pas. J’ai fait ce que j’avais à faire. J’ai dit tout ce que j’avais à dire. Après, ce n’est pas moi qui vais manager et gérer tout cela.

Comment trouvez-vous la situation générale de l’Algérie actuellement ?

Je vois, d’un côté, un pays qui continue à se construire. C’est lent et terrible. Et de l’autre, un pays qui n’atteint pas le niveau de l’État de droit. Quand on n’atteint pas cela, ce n’est même pas la peine de me parler. Un État de droit, c’est regarder l’autre à travers son œil à soi comme nous aurions voulu qu’il nous voit aussi selon nos vérités. Mais, là, il y a des gens qui volent et qui trichent. Vous allez me dire que c’est dans la nature humaine. Mais, il y a un moins et il y a un plus, il ne faut pas trop exagérer non plus. On ne nous a pas appris à être tout à fait intègres, courageux et combatifs sans avoir, de l’autre côté, à lorgner sur des opportunités, sur de l’argent et sur des intérêts. C’est difficile. Il faut bien que ça s’arrête un jour.

L’Algérie est un pays de jeunes. La proportion des moins de 25 ans doit être énorme. Les jeunes veulent rêver, avoir une part de voyage, d’amour. Ils sont en droit de parler et de revendiquer. Et comme ça ne marche pas, ils se replient sur eux-même, pensent aux belles filles, les filles pensent aux garçons… Nous sommes donc obligés tous à communiquer et à vivre ensemble des notions d’amour, de tendresse et d’amitié où, normalement, la langue n’est rien quelle qu’elle soit, l’arabe ou le tamazight. La langue n’est rien par rapport à l’importance de l’amour. C’est là qu’il faut aller, sinon, nous allons mourir doucement.

Dans pareilles situations, quel est le rôle de l’élite et des artistes ?

Je ne sais pas s’il y a un rôle maintenant. Avant, le mot avait une consonance spéciale et une importance énorme. Lorsque quelqu’un vous donnait sa parole, elle valait tous les contrats du monde. Le sens de l’honneur était aiguisé. Par le passé, lorsque des confrontations éclataient entre les tribus (en Kabylie), les poètes de chaque région étaient sollicités pour des joutes oratoires. C’est à qui dirait les plus beaux poèmes. Parfois, les choses étaient tellement belles que les guerres ne se faisaient pas. On n’y est plus aujourd’hui. Les choses ont changé. Il y a une surenchère de la médiocrité, de la triche et du mensonge.

Il faut vraiment que l’Algérie retrouve ses espoirs et retrouve ses enfants dans un avenir beaucoup plus clairvoyant que celui-là. Sinon les trucs de religion qui aboutissent à des sociétés verrouillées de l’intérieur, ces choses qui tendent à faire des amalgames entre nous et à ne pas se comprendre, tout cela c’est atroce, terrible.

Depuis 1979, vous n’avez pas chanté en Algérie. Qu’est-ce qui vous empêchait de venir animer des concerts ?

Au départ, c’était un choix que j’avais fait. Je me suis dit, tant que ma culture n’était pas reconnue, je ne vois pas pourquoi aller chanter dans des endroits où le pouvoir me prend comme algérien moins algérien que les autres. Pourquoi ? Qu’est-ce que j’ai fait ? Je n’avais pas le droit de vivre ? Ma langue et mon Histoire n’ont pas le droit de vivre ? Lorsque tamazight a été consacrée langue officielle, je me suis dit qu’il y a peut-être là une opportunité de revenir en Algérie parce que je me fais vieux. J’ai envie de revenir pour revoir au moins une dernière fois mon public et de continuer à espérer et à lutter, cette fois-ci, au jour le jour, de façon à ce qu’on puisse rétablir certaines choses. Lutter pour que certaines choses reviennent et pour qu’on arrive au bout du compte à un meilleur entendement possible.

Après Alger, vous allez chanter dans plusieurs villes du pays. Vous allez terminer la tournée avec un concert au stade de Tizi Ouzou (fin juillet 2018)…

Oui, avec Béjaia aussi. Ces régions-là m’ont donné ma première lumière. Ces régions-là ont bercé mes ancêtres. Et donc, c’était la moindre des choses que de leur rendre hommage et de leur faire un petit clin d’œil. Je vais également chanter à Tamanrasset, à Batna, à Constantine, à Oran, à Tlemcen, à Bouira et à Ghardaïa.

Comment qualifier ce concert ? Réconciliation ? Retrouvailles ?

Réconciliation, cela suppose que nous étions fâchés, or, je ne me fâche jamais avec le peuple. Parce que je sais que je suis issu du peuple et que ce peuple a les mêmes problèmes que moi quoi qu’on puisse en dire. Des retrouvailles ? On ne s’est pas vraiment quitté. Ce concert d’Alger est peut-être pour moi une sorte de pèlerinage pour venir voir la terre de mes ancêtres. On ne sait jamais ce qui va se passer par la suite. D’avoir été là et de dire « oui, j’y étais ». Simplement.

  • Les derniers articles

close