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Un mois d’avril sans pluie en Algérie : faut-il s’inquiéter ?

Un mois d’avril sans pluie en Algérie : faut-il s’inquiéter ?

C’est du jamais-vu depuis longtemps en Algérie : le mois d’avril est passé quasiment sans pluie sur tout le territoire national. L’incidence sur la saison agricole, le taux de remplissage des barrages et la reconstitution des eaux souterraines est indéniable.

Le dernier chiffre relatif au niveau des réserves contenues dans les quelque 80 barrages fonctionnels du pays illustre l’aggravation du stress hydrique qui affecte l’Algérie depuis 5 ans.

Selon le ministre de l’Hydraulique, Taha Derbal, qui s’exprimait fin avril en conférence de presse, le taux moyen de remplissage des barrages est de 29 %, avec des variations importantes entre les différentes régions.

Ce taux est inférieur à celui de début juillet de l’année passée (30,2 %).

En avril-mai de l’année 2022, qui n’a pourtant pas été une année très pluvieuse, le taux de remplissage avoisinait les 40 %, selon les chiffres dévoilés par l’Agence nationale des barrages et transferts (ANBT).

Il est vrai que les eaux superficielles ne représentent qu’une partie des ressources en eau mobilisables de l’Algérie, les autres sources principales étant les eaux souterraines et l’eau de mer dessalée.

Néanmoins, seule cette dernière ressource, qui couvre 18 % des besoins, ne subit pas l’impact de la sécheresse qui frappe l’Algérie ces dernières années.

Les eaux des barrages, excepté celles de la nappe albienne du sud, s’épuisent rapidement du fait de la faible pluviométrie et les eaux souterraines subissent le double effet du manque de précipitations qui empêche leur renouvellement et de la forte sollicitation conséquemment à la baisse du niveau des barrages.

La situation est d’autant problématique que les forages assurent actuellement 60 % des besoins du pays, selon les chiffres divulgués par le ministre de l’Hydraulique lors de sa dernière sortie publique.

L’Algérie a engagé d’importants investissements ces vingt dernières années pour assurer un approvisionnement en eau régulier des ménages, de l’agriculture et de l’industrie, mais la diversification n’a pas été bien répartie et le risque de sécheresse durable ne semble pas avoir été pris en compte.

Selon M. Derbal, le problème principal de l’Algérie était le taux de perdition, qui tournait autour de 30 %, mais une fois cette défaillance prise en charge, le pays se retrouve depuis quatre ou cinq ans face à une autre problématique, celle de la rareté des ressources du fait des faibles précipitations. La situation était pourtant largement prévisible.

Eau en Algérie : une nouvelle stratégie salutaire, mais encore des incohérences  

Ce n’est qu’en 2021 que l’Algérie a changé d’orientation pour privilégier le dessalement, insensible aux aléas climatiques.

Au cours d’un Conseil des ministres tenu en juillet 2021, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a ordonné la généralisation des stations de dessalement à toute la bande littorale du pays.

Le programme prévoit la construction de 11 nouvelles stations.  En février dernier, le ministre alors en charge de l’Hydraulique, Lakhdar Rekhroukh, avait indiqué que la réception de 5 stations en 2024 devrait porter la part de l’eau dessalée à 42 % dans la couverture des besoins du pays. Cette part devrait atteindre 60 % en 2030 avec l’achèvement de 6 autres stations dont le lancement est prévu pour 2025, selon le même responsable.

La stratégie devrait changer profondément la donne et permettre à l’Algérie d’en finir avec le stress hydrique même en cas de très forte sécheresse.

Le dessalement permettra de couvrir les besoins de la bande littorale où vivent 80 % de la population et la nappe saharienne servira à alimenter les populations du sud.

Nonobstant les coûts de production et de transfert, les deux ressources sont quasiment inépuisables.

Dans l’immédiat, il y a une situation d’urgence à gérer, en attendant l’apport des cinq stations attendues pour l’année prochaine. Malgré la baisse simultanée du niveau des barrages et des nappes phréatiques, le gouvernement se veut rassurant.  Selon le ministre Derbal, « la situation est sous contrôle » et il n’y a pas lieu de s’inquiéter, assurant que ce qu’il dit est fondé sur « des chiffres ».

Malgré ce ton rassurant, le ministre n’a pas exclu des « perturbations » à cause de la faible pluviométrie. Le responsable a fait état d’un programme spécial, mais sans en détailler la teneur.

Après plusieurs années d’alimentation en continu, notamment dans les grandes villes, l’Algérie a opté depuis 2021 pour le rationnement de l’AEP, y compris dans la capitale. Le rationnement risque de durer et même d’être encore plus drastique au moins jusqu’au début de la réception des nouvelles stations de dessalement.

En attendant, il y a d’autres options qui peuvent être creusées, comme la généralisation de l’épuration des eaux usées pour leur usage dans l’agriculture et pourquoi pas, l’abandon des cultures trop gourmandes en eau.

Il est curieux de constater que dans un pays qui connait un stress hydrique aigu, les fruits les plus abondants et accessibles en été sont la pastèque et le melon.

Il est encore plus incompréhensible d’entendre un membre du gouvernement, le ministre du Commerce en l’occurrence, préconiser l’encouragement de la culture de la banane dont la production d’un seul kilogramme nécessite près d’un millier de litres d’eau.

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