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Un ordre mondial en rupture avec la justice et la solidarité internationale

Un ordre mondial en rupture avec la justice et la solidarité internationale

TRIBUNE. Le rapport annuel 2022 d’Amnesty International dresse, encore une fois, un bilan accablant de la situation des droits humains : le monde s’enfonce dans le chaos aux quatre coins de la planète.

L’humanité plonge dans un cycle infernal et autodestructeur, la multitude des crises dont souffre le monde actuel : conflits armés, répression, crise sociale et économique, crise climatique et énergétique, les violences faites aux femmes en temps de paix ou de guerre, montée du racisme, sont entremêlés et mènent à une crise majeure, celle des droits humains.

Incapacité de la communauté internationale face aux crises et aux conflits

En février, la Russie a envahi l’Ukraine avec une violence militaire massive, détruisant les infrastructures civiles et tuant des milliers de personnes. Cette agression a déclenché une crise majeure avec ses répercussions dans le monde.

La guerre d’Ukraine a été révélatrice de l’ampleur du principe du deux poids deux mesures avec ses condamnations sélectives : Les Etats occidentaux ont condamné rapidement et fermement l’invasion de l’Ukraine en considérant cette agression, comme une  violation flagrante du droit international et des valeurs universelles.

Cependant, cette réponse juste contraste fortement avec les réponses passées à certains conflits dans d’autres parties du monde. En conséquence, les conflits armés (dont certains de longue date) et l’insécurité continuent de détruire la vie de millions de personnes, en Syrie, au Sahara Occidental, dans les territoires palestiniens occupés, en Éthiopie, en République démocratique du Congo, en Haïti … en toute indifférence et impunité.

Ces mêmes Etats, qui ont sanctionné la Russie, font dans l’inertie totale face à des agressions similaires quand leurs intérêts les empêchent d’articuler une même position.

Ce qui est condamné à l’égard du peuple Ukrainien ne l’est pas à l’égard du peuple Palestinien. Ces Etats n’ont pas condamné de la même façon lorsqu’il s’agissait d’affronter le système d’apartheid d’Israël, qui s’est encore endurci en 2022, ils ont plutôt préféré s’en prendre à celles et ceux qui dénonçaient l’apartheid.

Les crimes contre l’humanité, perpétrées contre les Ouïghours en Chine et d’autres minorités musulmanes au Myanmar ou encore la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite contre le Yémen sont aussi d’autres exemples du double standard, qui démontre la faille d’un système permettant d’échapper à toute condamnation internationale.

Les conflits et les crises ont contraint des milliers de personnes à quitter leurs pays. S’agissant aussi des politiques d’accueil des réfugiés, l’Union Européenne a accueilli généreusement les réfugiés ukrainiens alors que la Méditerranée reste une zone d’exclusion et de danger pour les personnes venant d’autres continents en quête de protection.

Des centaines de personnes tentant de fuir leur pays ont été abattus, se sont vu refuser le droit d’asile, ont été refoulés à la frontière ou ont été victimes de violations et d’exploitation par les autorités des Etats des deux rives.

Les États-Unis ont expulsé plus de 25 000 Haïtiens, souvent après leur avoir infligé des actes de torture et d’autres mauvais traitements motivés par un racisme à l’égard des personnes noires.

Le creusement des inégalités source d’instabilité   

Les répercussions des guerres ainsi que du changement climatique ont accentué la crise économique post Covid19, dont les effets dévastateurs ont accru l’insécurité alimentaire, la pauvreté, la malnutrition et les déplacements de populations.

En 2022, la brutalité des violations aux droits à l’alimentation, à la santé, à la sécurité sociale, au logement et à l’eau, a déjà touché de manière disproportionnée les personnes les plus marginalisées, dans toutes les régions, surtout dans les pays les moins développés provoquant de graves crises humanitaires, comme le Sri Lanka, l’Angola ou la Colombie.

Les répercussions des catastrophes climatiques (incendies, sécheresses .. ) ne cessent  d’augmenter sur la vie de millions de personnes. Ainsi, les inondations ont affecté les populations côtières dans plusieurs pays pauvres comme le Bangladesh, le Sénégal ou le Honduras.

La course à la croissance et l’usage démesuré des énergies non renouvelables entrainent plus d’accumulation de richesse en faveur des  détenteurs de capitaux et dépouillent les peuples de leurs droits les plus fondamentaux : par exemple au Brésil, au Canada et en Suède, les droits des peuples autochtones sont violés. Le pillage des ressources, la pollution ou la pauvreté mettent en danger la planète et l’humanité.

L’urgence ne permet plus d’attendre 

C’est dans cet esprit que le deux poids deux mesures est devenu le jeu des Nations dans leurs rapports de forces, sans que rien n’impose l’obligation de revenir au droit international. Cette inégalité de traitement, pratiquée par un grand nombre d’Etats, crée un ordre mondial en rupture avec l’idéal de la charte des Nations Unis.

2022 a été aussi marquée par  la persistance des résistances dans le monde : manifestations des femmes en Afghanistan et en Iran, politiques au Tchad, au Pérou, en Thaïlande,  plus de 7032 manifestations au  Venezuela, manifestations pour le climat.

Ces protestations expriment le ras bol des populations contre des systèmes injustes et inégalitaires. Les réponses des états, dans leur large majorité, restent sécuritaires, démontrant leur incapacité à entendre les revendications légitimes des personnes

A l’approche du 75e anniversaire de la déclaration universelle des droits humains en décembre 2023, les Etats et l’ONU doivent agir de toute urgence : cesser leurs attaques contre les droits humains et  reformer les systèmes destinés à les protéger.

Les droits humains – politiques et sociaux-économiques – ne sont pas des accessoires. Les droits humains sont incontournables pour éviter le chaos à l’humanité et construire la sécurité et la paix dans le monde.

Les enjeux n’ont jamais été aussi forts  pour répondre aux aspirations légitimes d’égalité, de dignité et de liberté des personnes.

*Directrice d’Amnesty International Algérie  


Important : Les tribunes publiées sur TSA ont pour but de permettre aux lecteurs de participer au débat. Elles ne reflètent pas la position de la rédaction de notre média.

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