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Décès d’un Algérien suite à une interpellation : la France condamnée pour « négligence »

Décès d’un Algérien suite à une interpellation : la France condamnée pour « négligence »

La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a condamné jeudi la France pour « négligence » dans le décès d’Ali Ziri, un Algérien de 69 ans mort en 2009 à la suite d’une interpellation policière.

Cette décision confirme pour ses proches la nécessité d’une interdiction définitive de certaines techniques d’interpellation.

La France va devoir verser « 30.000 euros pour dommage moral et 7.500 euros pour frais et dépens » à Annissa Semache, fille d’Ali Ziri, qui avait saisi en juin 2016 la CEDH, institution créée par le Conseil de l’Europe et siégeant à Strasbourg.

Ali Ziri avait été interpellé le soir du 9 juin 2009 avec un ami à bord d’un véhicule conduit par ce dernier. Fortement alcoolisés, les deux hommes avaient été transportés au commissariat d’Argenteuil, en région parisienne, où ils avaient été placés en garde à vue.

Tombé dans le coma, Ali Ziri était mort deux jours plus tard à l’hôpital d’Argenteuil. Alors qu’une première autopsie avait imputé son décès à des problèmes cardiaques et à l’alcoolémie, une contre-expertise avait révélé la présence de plus de vingt hématomes, dont certains larges de 17 cm.

La CEDH a jugé que « l’immobilisation forcée de M. Ziri par la technique dite du +pliage+ (technique d’interpellation policière consistant à maintenir une personne la tête appuyée sur les genoux, NDLR), alors qu’il se trouvait dans un véhicule de police à destination du commissariat, était justifiée et strictement proportionnée au but poursuivi ».

« Elle considère en revanche que la situation de M. Ziri au commissariat d’Argenteuil a été traitée avec négligence par les autorités et retient que les autorités n’ont pas fait ce que l’on pouvait raisonnablement attendre d’elles pour prévenir le risque de décès auquel il était exposé », poursuit l’institution dans un communiqué.

« La cour dit très clairement que l’attitude des policiers a à voir avec la mort d’Ali Ziri et qu’ils ont utilisé une technique dont +ils connaissaient la dangerosité+ », a réagi auprès de l’AFP Omar Slaouti, porte-parole du collectif Vérité et justice pour Ali Ziri.

« On demande que le ministère de l’Intérieur prenne ses responsabilités et interdisent ces techniques qui sont responsables de la mort d’Adama Traoré ou de Lamine Dieng (deux personnes décédées à la suite de leur interpellation, NDLR) et que les policiers interpellateurs, qui sont toujours en activité, soient sanctionnés sur un plan administratif », a-t-il ajouté.

S’ils relèvent « quelques lacunes ponctuelles », les sept juges de la CEDH ont considéré que « il n’est pas possible de remettre en cause l’effectivité de l’enquête réalisée par les autorités ».

Pour autant, c’est « une condamnation de l’action de la police dans son ensemble, aussi bien du mode d’interpellation que du traitement dans le commissariat », relève l’avocat de la famille, Me Stéphane Maugendre.

La cour pointe aussi du doigt « la lenteur de la procédure et le fait qu’il n’y ait pas eu de reconstitution », ce qui aurait permis de savoir si « Ali Zari est arrivé vivant au commissariat », sachant que, selon le défenseur, « le maintien en position pliée au-delà de trois minutes engage le pronostic vital ».

Ali Ziri était arrivé en 1959 à Argenteuil où il a travaillé pendant quarante ans comme manutentionnaire, sa famille restant en Algérie.

Après trois ans d’enquête, le juge d’instruction avait décidé de ne pas poursuivre les policiers impliqués dans l’interpellation, expliquant n’avoir établi « aucun acte de violence volontaire qui aurait été la cause directe ou indirecte du décès ». Et la cour d’appel de Rennes avait considéré en 2014 que les policiers n’avaient « fait usage que de la force strictement nécessaire » pour maîtriser le retraité.

C’est la troisième fois en quelques semaines que la CEDH condamne la France dans des cas de violences policières remontant à une dizaine d’années.

Pour Omar Slaouti, « les victimes de violences policières sont essentiellement arabes et noires et les policiers très rarement condamnés, ce qui nous fait dire qu’il y a un problème de racisme structurel dans la police en France ».

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