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Persistance inquiétante de la sécheresse en Algérie

Persistance inquiétante de la sécheresse en Algérie

Malgré quelques pluies sporadiques, la sécheresse persiste en Algérie. Les températures élevées de la première quinzaine d’octobre ne permettent pas au pays de reverdir. Dans les champs, l’inquiétude est sensible alors que les premiers semis de blé devraient bientôt commencer.

À proximité d’une terre craquelée par le manque d’eau, Fateh, la soixantaine témoigne sur Ennahar TV de son quotidien d’agriculteur : « On demande de l’eau. L’eau est l’élément principal. Sans eau on ne peut rien faire. Actuellement, on ne travaille qu’en hiver, en été on s’arrête ».

Il poursuit : « Il reste à peine un mètre à un mètre et demi d’eau dans le puits. Une eau mélangée à de la boue qui bloque à chaque fois notre pompe ».

Un autre agriculteur confirme : « L’eau du puits ne suffit plus, on espère plus de lâchers d’eau du barrage ».

Les services météo, font remarquer qu’en octobre 2017 et 2018, le temps était froid et pluvieux, mais actuellement ce n’est plus le cas. Les températures restent clémentes et les pluies tardent à arriver.

La situation est dramatique dans le cas des arbres fruitiers, sans irrigation d’eau leur dépérissement est assuré. Déjà des arbres desséchés apparaissent çà et là dans les vergers en Algérie.

Dans les wilayas, les directives des autorités consistent à accorder la priorité en approvisionnement en eau du cheptel puis de l’arboriculture.

Heureux sont les agriculteurs qui possèdent des forages. Mais la nappe dans laquelle ils puisent a besoin d’être réalimentée par des pluies qui ne viennent pas.

Pour de nombreux forages, le rabattement de la nappe est visible. Certains forages sont même asséchés et leurs propriétaires demandent l’autorisation aux services de l’hydraulique de pouvoir creuser plus profondément quand ils ne l’ont pas déjà fait en douce.

Quant à l’eau des barrages, passé un certain seuil, elle est exclusivement réservée à l’adduction en eau potable des villes. D’autant plus que pour les villes de l’intérieur du pays il n’y a pas possibilité de recourir au dessalement de l’eau de mer. En Algérie, le secteur agricole prélève déjà plus de 70 % des ressources en eau.

En observateur averti, le spécialiste en hydrogéologie Malek Abdesselem suit le débit actuel des sources et cours d’eau : 100 L/s au niveau de la source Tinzert au Sud-Ouest de Tala Guilef (Djurdjura) et de l’eau encore jusqu’à fin novembre au niveau du Sebaou vers le barrage de Taksebt « grâce aux pluies tardives de fin mai début juin », note-t-il sur les réseaux sociaux.

De l’eau, il va en y avoir

Statistiquement, les pluies ne devraient pas tarder en Algérie, bien qu’avec le dérèglement climatique elles soient devenues plus irrégulières. Celles qui tombaient fin octobre ont tendance à tomber un mois plus tard.

L’année semble dorénavant se composer de deux saisons : une sèche et une autre humide.

Statistiquement les météorologues le confirment, les pluies viendront. Mais elles risquent de venir concentrées sur un laps de temps plus court et donc avec un effet torrentiel sur les sols.

Les anciens relevés météorologiques sont conséquents : 83 mm tombés en une demi-heure à l’Arba Nath Irathen (Tizi-Ouzou) , 156 mm un jour et 228 mm un autre à Blida, 60 mm à Aïn Oussera pour une moyenne annuelle de 250 mm.

En attendant, les agriculteurs algériens restent sur le pied de guerre. Après avoir reçu des services agricoles leur part de semences, ils attendent la pluie pour semer.

En 2022, elle n’est arrivée qu’en décembre. Trop tard pour espérer de bons rendements. Mais sans pluie, difficile de labourer le sol sec. Il est trop dur, la charrue n’arrive pas à pénétrer dans un sol parfois aussi dur que du béton.

Dans ces cas-là, le moteur du tracteur chauffe vite. L’absence d’enfouissement des pailles dans le sol ne permet pas de l’ameublir. La paille est devenue une denrée rare et elle est très recherchée par les éleveurs. La botte de paille atteint les 80 DA.

Sécheresse en Algérie : l’urgence d’une nouvelle vision de l’utilisation de l’eau

Lors des derniers orages, nombreux sont les agriculteurs et simples citoyens qui se sont posé la question de comment retenir ces torrents d’eau débordant des oueds ou dans leur rue.

Depuis longtemps, les pouvoirs publics développent une politique de construction de barrages. Selon des propos du directeur général de l’Agence nationale des ressources hydrauliques, Mehdi Akkad, recueillis par l’agence APS, « les capacités de mobilisation d’eau des 80 barrages du pays passeront de 8,3 milliards de m3 actuellement, à près de neuf milliards de m3 en 2024, grâce à la mise en service de cinq nouveaux barrages ».

Mais pour l’agriculteur dont les parcelles sont éloignées des barrages, ces derniers ne lui sont d’aucune utilité. Dans les régions steppiques algériennes, depuis des lustres, les agro-pasteurs édifient des digues de terre et de roseaux en travers du lit des oueds afin de dévier les eaux des crues vers leurs pâturages.

Dans le Mzab, ces digues sont plus élaborées et certaines sont centenaires. De tout temps, elles ont permis de diriger l’eau des crues vers les palmeraies et vers les fissures de la roche pour rejoindre la nappe phréatique.

Aujourd’hui ce sont ces techniques que tentent de faire connaître l’Institut national de recherches forestières (INRF). L’institut a testé les techniques de lutte contre le ruissellement des eaux et les risques d’érosion.

Dans les ravins des zones en pente, des seuils ont été construit à intervalles réguliers afin de retenir une partie de l’eau. Pour cela, les chercheurs ont utilisé des pierres, des gabions ou même des pneus usagés maintenus par des piquets en fer.

En quelques saisons, entre les collines desséchées, la végétation est revenue dans les ravins : de l’herbe et des arbres. Le résultat est tel que ces pionniers parlent « d’oasis linéaires ».

Depuis longtemps cette technique est connue des populations du sud de la Tunisie sous le nom de « jessours » et au Rajasthan (Inde) et au Pakistan où elles permettent de retenir l’eau des moussons.

Lorsque le muret de pierres qui retient l’eau de surface est prolongé en profondeur, la lame d’eau qui s’écoule sous la surface du sol dans le sens de la pente peut alors être accessible grâce à un puits.

Les moyens nécessaires pour de telles actions sont simples et peuvent être réalisés par les collectivités locales en collaboration avec les services de l’hydraulique. Cette « petite hydraulique » ne requiert qu’un simple camion, pelle mécanique et rétro-chargeur. Elle peut être également réalisée par les agriculteurs.

À plus grande échelle, c’est le principe des barrages d’inféro-flux, ces barrages en profondeur construits à Tadjemout (Laghouat), Adrar ou Tamanrasset.

L’importance du ruissellement en Algérie est liée au manque de végétation permanente sur les sols en pente. Seule la végétation et l’humus produit peuvent retenir l’eau de pluie à la manière d’une éponge.

Une végétation souvent réduite au minimum par le passage incessant de troupeaux de chèvres et de moutons. La vaine pâture nécessite des mesures compensatoires en faveur des éleveurs à même de leur assurer un revenu ou un paiement pour les services écologiques rendus à la société.

Développer les techniques de lutte contre le ruissellement pour favoriser la recharge naturelle des pluies est possible dans les ravins mais également là où la pente est plus faible.

À l’École nationale supérieure d’agronomie d’El Harrach (Ensa), le professeur Brahim Mouhouche a testé la technique dans des vergers d’oliviers.

Avec son équipe, il a édifié de simples bourrelets de terre en forme de croissants en demi-lune autour des arbres. Les mesures d’humidité du sol réalisées en cours de saison ont montré l’efficacité du procédé. Mieux, il en s’est suivi un meilleur développement des arbres.

Édifier des obstacles de lutte contre le ruissellement devient primordial en ces temps de sécheresse qui frappe de plein fouet l’Algérie.

Combien sont les agriculteurs bénéficiaires d’une autorisation de forage qui s’en préoccupent ? La tâche est immense au vu des superficies concernées, mais l’expérience des pays du Sahel ou du Rajasthan en témoignent. Pour les services concernés, le défi est de trouver l’équilibre entre vulgarisation, incitations, voire à l’avenir, obligation dans le cas des bénéficiaires de forages dans les régions à fort rabattement de la nappe.

En juillet 2019 un premier contrat de nappe et captage a été signé par l’Agence nationale de gestion intégrée des ressources en eau (Agire). L’objectif est de préserver la ressource en eau et d’assurer la gestion de la demande en réunissant l’ensemble des utilisateurs locaux.

Pour Mohammed Deramchi, directeur général de l’Agire, l’agence ambitionne de s’intéresser plus particulièrement à l’aspect de la demande en eau, dans la mesure où auparavant « toute la politique de l’eau était concentrée auparavant sur l’offre ».

Une vision nouvelle de l’utilisation de l’eau dont l’Algérie a besoin pour faire face à la sécheresse endémique.

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