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Walid Hajar Rachedi, écrivain franco-algérien en quête d’autres réalités

Walid Hajar Rachedi, écrivain franco-algérien en quête d’autres réalités

Walid Hajar Rachedi, écrivain franco-algérien (Crédit photo : Annie Gozard)

Nous avons découvert l’écrivain franco-algérien Walid Hajar Rachedi à travers des médias à tendance africaine. Évoquant dans Jeune Afrique ses souvenirs d’Algérie et ses liens avec d’autres "ailleurs" trouvés en Amérique latine et celle du nord. Racontant au micro de RFI son parcours atypique et son amour des mots, du hip-hop à la grande littérature.

Mais surtout, on a découvert un écrivain d’une grande sensibilité, défendant son premier livre au titre intrigant : « Qu’est-ce que j’irais faire au paradis ? » Un roman qui met en scène la quête intime et mystique d’un jeune franco-algérien prénommé Malek.

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Nous avions envie d’en savoir plus sur ce romancier empreint de cosmopolitisme. Notre échange a commencé dans une grande simplicité : « Walid Hajar Rachedi, comment vous présentez-vous au monde ? »

« Je suis romancier, écrivain, directeur de publication de Frictions, un média en ligne qui raconte une société qui, aujourd’hui, a un regard mondialisé sur les sujets sociétaux. Parce que finalement le global est intime ».

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Cette seule phrase permettrait de résumer l’essence de Walid Hajar Rachedi. Ce Français d’origine algérienne âgé de 41 ans est surtout une personne ouverte sur le monde, capable de sentir les frémissements vécus par différentes strates sociales dans des temporalités variées. Que ce soit au Brésil actuel, dans la banlieue parisienne des années 90, au cœur de la décennie noire à Alger ou dans un monde chamboulé après le 11 septembre 2001.

En réalité, Walid Hajar Rachedi n’est pas seulement un romancier et un directeur éditorial. Il est aussi disséqueur d’humanité, sociologue, anthropologue, analyste et peut-être même visionnaire.

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C’est du moins ce que l’on ressent à travers les mots de Walid Hajar Rachedi. Que ce soit dans ses interviews comme dans son premier roman, « Qu’est-ce que j’irais faire au paradis ? » paru en 2022 aux éditions Emmanuelle Colas.

Un roman qui répond à des questions existentielles grâce au mouvement

Dans ce premier livre, l’auteur d’origine algérienne nous raconte le voyage initiatique de Malek, un Franco-Algérien de 17 ans. Durant ce périple, le héros va interroger sa spiritualité et sa place dans le monde.

Le récit se déroule dans les années 2000. Tout débute lorsque Malek se rend à Lille pour rendre visite à son cousin Ali, arrivé fraîchement d’Algérie. Lors de ce premier voyage il fait la rencontre d’Atiq, un jeune footballeur Afghan en exil et dont la carrière a été déviée avec l’invasion américaine en Afghanistan. Atiq va confier des bribes de son histoire à Malek.

Ses traumatismes, l’arrivée des Talibans, son frère Wassim disparu qui voudrait sans doute se venger des Américains. Le récit d’Atiq va déclencher des questionnements profonds dans l’esprit de Malek.

Croyant, comment Malek vit-il réellement sa foi ? Que connaît-il du monde extérieur ? Détient-il des fantasmes de ces lieux marqués par l’histoire de l’Islam, ou même de l’Algérie, le pays de ses parents qu’il connaît à peine ?

Ce voyage incertain mais essentiel, Malek va le faire à travers plusieurs lieux chargés d’histoire et de symbolique. Le lieu « des origines » avec la belle Andalousie à travers Grenade et Séville.

Puis le monde arabe avec Tanger, Oran, Le Caire… pour se terminer dans la très internationale Londres. Lors de ses passages dans ces lieux, Malek va questionner son identité, son appartenance et surtout ses croyances.

Qu’est-ce que j’irais faire au paradis ? aura demandé des années de travail à son auteur. Mais il a livré une œuvre littéraire remarquable et remarquée. En 2022, Walid Hajar Rachedi a fait partie de la liste des nominés pour le Prix Goncourt du premier roman. Il a également été l’un des finalistes du prix Senghor.

Raconter "ceux qui ne partent pas en Syrie"

C’est une démarche assez inédite qu’a osé Walid Hajar Rachedi. L’auteur s’est saisi des thèmes d’identité, d’appartenance et de croyance religieuse, qui se sont imposés en France ces dernières années, pour leur permettre de dévier sur des questionnements plus profonds.

Ce roman aux allures métaphysiques, Walid Hajar Rachedi a choisi de l’entamer concrètement en 2015 après les attentats du 13 novembre. "Avec Qu’est-ce que j’irais faire au paradis ? j’ai décidé de raconter l’histoire de ceux qui ne sont pas partis en Syrie", explique Walid Hajar Rachedi.

« Qu’est-ce que j’irais faire au paradis ? », était donc l’occasion de raconter une histoire déjà connue mais avec une autre voix. Celles de Français aux origines étrangères, de confession musulmane, qui du jour au lendemain ont senti que leurs choix de vie personnels appartenaient désormais à une opinion publique. Lorsque la société française est en boucle sur le radicalisme religieux et de djihad, quelle place ont ces citoyens dont on tait l’existence ?

"Après le 11 septembre, puis les attentats de 2015, une image soudaine s’est imposée pour les Arabes en France. Ils sont devenus seulement « les musulmans ». Puis d’un coup, on a vu émerger l’image du bon musulman qui s’opposait au mauvais musulman (ou arabe). Le bon arabe, qui finalement serait une personne super laïque. En clair, c’est une sorte de nom de code pour ne pas dire athée", analyse Walid Hajar Rachedi.

"Pour moi la laïcité est une chance pour un pays comme la France, car elle offre la possibilité de vivre librement avec ses croyances. Mais ça ne doit pas se muer en une sorte de tribunal qui désignerait la religiosité comme dangereuse", estime Walid Hajar Rachedi.

Raconter une histoire globale, par le biais de plusieurs voix, est une philosophie que l’auteur franco-algérien tente d’appliquer à son travail. Prendre place dans la grande histoire est une obsession pour le romancier. Lorsqu’il évoque son parcours personnel comme professionnel lors de notre entretien, il ne peut s’empêcher de relier les grandes étapes de sa vie au contexte historique.

"J’ai fait un VIE [Volontariat International, ndlr] à New York, dans une banque française, j’étais juste en face de Lehman Brothers qui traversait cette énorme crise. C’était aussi au moment de l’élection de Barack Obama", se souvient l’écrivain franco-algérien.

Ce procédé narratif, il le répétera plusieurs fois. Lorsque l’on lui fait remarquer, il n’hésite pas à l’assumer. "C’est parce que je suis né dans les années 80, dans une pop culture, qui était le début d’une culture mondialisée. Une période durant laquelle on reliait nos vies à des instants d’actualité comme, par exemple, la chute du mur de Berlin dont je me souviens très bien« . Walid Hajar Rachedi aime cela, "raconter la grande histoire par l’intime comme le fait Romain Gary", l’un de ses auteurs favoris.

Conteur d’âme et de sincérité

« Qu’est-ce que j’irais faire au paradis ? » était donc une évidence pour l’auteur franco-algérien de 41 ans. Ce roman est marqué par un contexte international, que l’on redécouvre par le biais des réflexions et des sentiments ressentis par la ribambelle de personnages.

Mais attention, il ne s’agit pas d’auto-fiction. Walid Hajar Rachedi insiste sur ce point. "On pense que le récit est autobiographique alors que pas du tout. Malek, le personnage principal, est même, par certains aspects, à l’opposé de ce que je suis", explique Walid Hajar Rachedi.

L’auteur a mis des années à créer ce personnage et sa complexité. "Malek est très ancré dans sa foi, c’est un jeune au passé un peu turbulent. Par exemple, sur son rapport à l’Algérie, il fantasme ce pays. Ce n’est pas mon cas, j’ai bien connu ce pays, j’y ai fait de longs séjours".

Walid Hajar Rachedi se sent si éloigné de son personnage qu’il a même eu peur que son récit ne soit pas réceptionné comme il l’espérait, notamment sur la question religieuse, dont il n’est pas expert.

"En tant qu’auteur il faut se détacher de ces espaces de réception pour écrire de la manière la plus honnête possible. J’avais juste envie que les gens se reconnaissent dans les thèmes que j’évoque", estime le jeune auteur.

Une promesse de sincérité qui lui réussit puisqu’il confie avoir reçu des témoignages de lecteurs "dont de nombreux jeunes Français de confession musulmane qui l’ont trouvé très beau".

Réunir les divergences à travers les mots

Walid Hajar Rachedi a fait l’actualité en 2022 pour ce roman étonnant, mais en dehors de ce texte il est aussi un travailleur des idées et des mots. L’écrivain est également un entrepreneur dans les médias.

Avant d’arriver à la littérature, il a suivi un parcours dans l’informatique, a obtenu un diplôme d’une école de commerce et a travaillé dans le consulting. Mais on ne peut pas dire pour autant qu’il a fait des détours, puisqu’il a incorporé ses anciennes vies à sa carrière actuelle.

Les mots ont toujours dessiné la carte de sa vie. De sa jeunesse en banlieue parisienne, en tant que bon élève à l’école bercé par une culture littéraire, pop et rap. Jusqu’à sa nouvelle vie de romancier. L’écriture, les mots et le pouvoir du récit ont rythmé la vie de Walid Hajar Rachedi.

"Mon désir d’écrire est né quand je vivais en banlieue. Avec la découverte du rap, de ses textes et de la force de ses punchlines« . Le désormais auteur publié a toutefois dû mener une conquête littéraire. »Il y a eu un long chemin entre le désir d’écrire et la possibilité d’être édité et de travailler en rapport dans un domaine connexe".

Walid Hajar Rachedi tente de raconter les différentes réalités. Que ce soit à travers son œuvre littéraire, comme dans le média en ligne, Frictions, qu’il a co-créé il y a trois ans avec son frère Ryad Maouche, journaliste de formation. « Frictions, contient la lettre r pour réel. C’est un jeu de mot pour relier le réel à la fiction« , explique l’auteur.

Frictions est largement influencé "par le journalisme à l’américaine. Avec des récits à la première personne, avec un angle subjectif et des prises de position".

Ce média qui mélange grands reportages, podcasts, fictions qui mêlent récit et actualité, propose des formats originaux pour confronter les regards des quatre coins du monde sur des grands thèmes universels comme la révolution, l’amour, l’identité ou encore le travail.

Afin d’assurer la stabilité économique du média, et par la même occasion son indépendance, Walid et son frère ont développé en parallèle un studio de création pour produire du contenu pour des entreprises. "Avant j’intervenais comme consultant en transformation digitale dans des grands groupes. Frictions est à la croisée de mes compétences", estime Walid Hajar Rachedi.

Sa double culture, un atout et une exigence supplémentaire

On l’a compris, la multiplicité est la recette de Walid Hajar Rachedi. Son parcours professionnel ne pouvait qu’être à l’image de sa personnalité.

Depuis une année, il vit à Lisbonne où la douceur de vivre lui offre le temps de se consacrer à ses métiers. C’est aussi un lieu où il retrouve la langue portugaise à laquelle il s’est lié durant une autre vie qu’il a passée au Brésil. S’il a grandi dans plusieurs communes de la banlieue parisienne, Walid Hajar Rachedi a très vite été attiré par l’étranger. Il a vécu au Mexique, en Argentine, au Brésil ou encore aux États-Unis.

Ces autres cultures lui offrent aujourd’hui une palette de sentiments et une finesse dans l’analyse humaine. Walid Hajar Rachedi n’hésite pas à les relier entre elles.

Dans son travail par exemple, on sent que chacune de ses expériences vécues permettent de détecter les thèmes qu’il est nécessaire d’évoquer. Qu’un sentiment qu’a généré l’une de ses identités pourra être insufflé dans l’un des personnages.

"Les sensations de voyage que je décris dans mon roman sont celles que j’ai ressenties en Amérique du sud que j’ai explorée dans le passé. J’avais effectué un voyage de Sao Paulo à Cuba durant plusieurs mois pour comprendre à l’époque ce qu’était l’identité latino-américaine", confie-t-il à TSA.

Si l’auteur franco-algérien parvient à valoriser sa richesse culturelle, il reconnaît que parfois elle peut être incomprise. Notamment en France, où on l’attend sur des sujets en particulier tels que la banlieue, la double culture, la religion, tout simplement parce qu’il s’appelle Walid Hajar Rachedi. Alors qu’en tant que romancier, il ne se refuse rien et a hâte d’explorer des mondes inconnus.

"Peu importe où je suis, je reste un Français d’origine algérienne avec ma sensibilité. Je suis fier de représenter cette nouvelle France. À l’étranger je suis pleinement reconnu en tant que Français mais on s’intéresse à ce que j’ai à raconter, parce que je suis aussi Algérien et donc multiple", témoigne Walid Hajar Rachedi.

À l’étranger comme en France, l’écrivain multiplie les expériences et prend sa place. Il a participé en 2022 au très prestigieux International Writing Program aux États-Unis. Une résidence d’écriture qui réunit des auteurs édités et connus du monde entier.

Pour mener à bien tous ces projets, Walid Hajar Rachedi estime qu’une seule voie s’ouvre à des profils comme le sien. "Nous devons faire des récits d’une grande qualité romanesque. Je sais que ça ressemble un peu au discours des vieux papas, qui estiment que l’on doit en faire deux fois plus que les autres, mais c’est une réalité. Il faut énormément travailler pour que notre œuvre soit incontournable".

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